Un journal arabe a relancé jeudi les spéculations sur le sort d’Oussama Ben Laden en publiant un message électronique qu’il juge authentique du terroriste présumé dénonçant violemment l’initiative de paix saoudienne au Proche-Prient.
Dans ce message, paru dans le quotidien «Panarabe Al-Quds Al-Arabi» basé à Londres, Ben Laden qualifie de « trahison » l’offre du Prince héritier saoudien Abdallah Ben Abdel Aziz proposant des relations normales entre les pays arabes et Israël en échange d’un retrait total de ce pays des territoires arabes occupés depuis 1967.
« Le langage et la formulation du message sont ceux de Ben Laden, ce qui porte à croire que ce message est authentique », a déclaré à l’AFP le rédacteur en chef du journal, Abdel Bari Atwan.
« Cela dit, je ne peux pas en être sûr à 100%, car après tout cet homme n’a pas un bureau où je peux le joindre pour m’en assurer », a ajouté M. Atwan, qui a rencontré Ben Laden en 1996 en Afghanistan.
Selon lui, le commanditaire présumé des attentats du 11 septembre a fait circuler sur Internet plusieurs messages ces trois derniers mois. « Il a voulu que la publication de ce message coïncide avec le Sommet Arabe de Beyrouth et pour cette raison il l’a envoyé à un journal qui peut le publier », a ajouté M. Atwan.
Les deux autres principaux journaux Panarabes, Al-Hayat et Asharq Al-Awsat, sont à capitaux saoudiens et de ce fait s’abstiennent de publier la moindre critique contre les dirigeants d’Arabie. « J’estime que Ben Laden est toujours vivant et se cache quelque part. Aucune indication qui prouve le contraire ne m’est parvenue », a-t-il ajouté.
Dans son message, Ben Laden a affirmé que « l’initiative du Prince Abdallah, un plan américano-sioniste sous habillage saoudien, constitue un complot et l’une des multiples trahisons de nos causes, qui ont marqué l’histoire des dirigeants de la région ».
Ben Laden, déchu de sa nationalité saoudienne en 1994, reste introuvable malgré la débauche de moyens déployés par les Etats-Unis pour le débusquer. Le Président George W. Bush a affirmé récemment qu’il ne savait pas s’il était vivant ou mort. Ben Laden estime, qu’avec son initiative de paix, le Prince Abdallah « suit la voie tracée par son père (le Roi Abdel Aziz) qui avait fait avorter la révolte (Arabe en Palestine) en 1936 par la promesse mensongère qu’il avait présentée avec le gouvernement britannique ».
« Ainsi les palestiniens avaient été trompés et cessé leur soulèvement mais l’occupation britannique s’était poursuivie jusqu’à 1948 quand la Palestine a été livrée aux Juifs », a ajouté Ben Laden dans son message, intitulé « communiqué du Cheikh Oussama Ben Laden à propos de l’initiative du Prince Abdallah ». Se référant à la première guerre israélo-arabe de 1948, Ben Laden a affirmé que le Prince Abdallah suivait l’exemple « des dirigeants (Arabes) traîtres comme lui qui ont envoyé leurs armées (combattre Israël) sous le commandement de l’homme du gouvernement britannique Glubb Pacha(…) et ont fini par signer un armistice en 1949 ». Le général britannique Glubb Pacha commanda de 1939 à 1956 la légion arabe, qui prit part à la première guerre israélo-arabe, au lendemain de la création de l’Etat d’Israël.
Les palestiniens ont été les premières victimes de cette guerre. Les accords d’armistice signés par Israël et ses différents adversaires en 1949 entérinent l’agrandissement d’un tiers de l’Etat Juif tel que le plan de partage en avait défini les frontières.
Mais « la plus grande trahison » des dirigeants arabes demeure, selon Ben Laden, « l’anéantissement de la première Intifada avec les accords d’Oslo », sur l’autonomie palestinienne, signés en 1993. L’initiative du Prince Abdallah est au coeur du sommet arabe qui s’achève jeudi à Beyrouth.
Dans son message, Ben Laden évoque également les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, dont il est le principal suspect. « Ces grands évènements » ont, selon lui, réfuté le fatalisme arabe qui consiste à dire « mais que pouvons nous faire » face à la puissance américaine.
• Ezzedine Said (AFP)