Le contrôle parlementaire, l’indépendance de la justice, la liberté de la presse, etc. sont des concepts que la démocratie a inventés pour garantir une bonne gestion des affaires publiques et permettre d’éviter les dérapages que l’exercice du pouvoir peut engendrer. Mais, le contrôle extérieur peut-il garantir, à lui seul, une immunisation absolue du système de gestion des affaires de l’Etat contre les tentations de dérapage qui peuvent exister chez les hauts fonctionnaires? Certainement pas! Sinon, les démocraties occidentales ne connaîtraient pas, elles aussi, des abus de pouvoir, des détournements de fonds publics, etc. Dans quelques jours, en Espagne, il sera procédé à la libération d’un ancien patron de la Garde civile après avoir passé près de quinze ans en prison. Luis Roldan quittera le centre pénitentiaire dans lequel il était incarcéré suite à sa condamnation pour avoir détourné près de 14 millions d’euros des fonds réservés du service de sécurité qu’il dirigeait. Il sortira de prison sans dévoiler le lieu où il aurait placé l’argent détourné et dont il pourra bientôt disposer dans n’importe quel paradis fiscal à travers le monde. Outre le fait qu’il s’agit d’un détournement de fonds publics effectué dans un pays où tous les systèmes démocratiques de contrôle ont été mis en place, ce qui est intrigant dans l’affaire «Roldan», c’est plutôt le traitement spécial dont ce dernier a bénéficié durant sa période d’incarcération. D’abord, il a été incarcéré dans une prison réservée aux femmes. Ayant été un haut responsable des services de sécurité de son pays, il a été jugé anormal de le placer au milieu de détenus de droit commun dont la plupart ont été neutralisés par la garde civile qu’il dirigeait. En plus, on lui a réservé tout un pavillon à lui seul. La porte dudit pavillon n’était jamais fermée et l’ancien patron de la gendarmerie espagnole avait droit à la compagnie de deux officiers de la police nationale avec qui il jouait aux cartes et au «parchis», un jeu populaire en Espagne. Un traitement similaire a été réservé à plusieurs hauts responsables qui ont été condamnés dans des affaires semblables à celle de Luis Roldan. Cela signifie-t-il pour autant une violation des principes généraux de la démocratie et de l’égalité des citoyens ? Réserver un traitement particulier à un ancien commis de l’Etat dont le destin a changé suite à une erreur de parcours ne signifie pas une atteinte à l’égalité entre les citoyens, mais juste, une façon de maintenir un équilibre, certes difficile mais moralement obligatoire, entre la reconnaissance pour les services rendus et la sanction des erreurs.