24 heures

Le caviar, délicieux mais dangereux

« Je ferai ce métier tant qu’on ne me tuera pas », affirme Sacha, le trafiquant de caviar, après avoir livré sa précieuse cargaison de « perles noires » sur un marché de Moscou où les prix se sont envolés à la veille des fêtes de fin d’année.
Cet homme d’une trentaine d’années aux gestes nerveux et au regard fuyant est l’un de ceux qui permettent aux Moscovites de s’offrir à un prix relativement accessible des petites tartines de caviar pour accompagner le traditionnel « champagne » de la nuit du Réveillon.
« Les ventes ne cessent d’augmenter avant les fêtes. Même des retraités s’achètent une centaine de grammes », explique Emine, un vendeur du marché Dorogomilovski dans un quartier aisé du centre de Moscou.
« Les riches achètent du caviar régulièrement, les pauvres seulement avant le Nouvel An », affirme Rouslan, un autre vendeur.
Ce mets des Tsars fait aujourd’hui partie des repas des « nouveaux russes » et des sportifs tandis qu’il est recommandé pour les malades.
L’entraîneur Irina Vinner conseille ce produit « peu calorique mais qui donne beaucoup d’énergie » à ses gymnastes, championnes du monde et des jeux olympiques.
Le prix d’une boîte de 900 grammes se situe entre 5.000 et 10.000 roubles (150 à 300 dollars) actuellement mais devrait augmenter de 50 % à l’approche du Jour de l’An, prédit Rouslan. Les pots-de-vin qui doivent être versés pour transporter cette marchandise sensible du Sud de la Russie à Moscou augmentent également, raconte le trafiquant Sacha, en ajoutant que sa « dernière mission » n’était pas « un succès ». « Nous avons dû payer un bakchich de 1.600 dollars pour 90 boîtes », raconte-t-il en se félicitant cependant que la marchandise n’ait pas été confisquée par les policiers… qui « l’auraient revendue à nos clients ».
Conscient des risques de se retrouver un jour en prison, voire tué par ses concurreents, Sacha n’a cependant pas l’intention d’abandonner un métier lucratif.
« Il existe un barème des pots-de-vin aux institutions concernées? la police, le FSB (services de sécurité), les garde-côtes », raconte-t-il. En basse saison, il suffit de payer 100 roubles (3 dollars) sur chaque boîte dont la valeur est au départ de 2.500 roubles (80 dollars), mais qui est vendue ensuite à Moscou au moins deux fois plus cher.
« Le caviar de contrebande qui vient de la Caspienne est 100 fois meilleur que l' »officiel ». Contrairement à l’Etat, les contrebandiers ont intérêt à fidéliser leur clientèle », affirme le vendeur du marché, Emine.
Selon les chiffres de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (Cites), 90% du commerce mondial du caviar est illégal et représente un chiffre d’affaires inestimable par rapport au commerce licite.
Les prises légales d’esturgeon dans la Caspienne (90% du commerce mondial) ont diminué d’environ 30.000 tonnes à la fin des années 1970 à moins de 3.000 tonnes 20 ans plus tard, selon la Cites. « Nous n’avons utilisé que quatre des 120 canots à moteur pour pêcher cette année dans notre village de la région d’Astrakhan », reconnaît Sacha, le trafiquant.
Alors que l’esturgeon a déjà disparu de la Volga, le Président Vladimir Poutine, en visite à Astrakhan en avril dernier, s’est alarmé du braconnage « monstrueux » en mer Caspienne et de l’insuffisance des mesures prises par les autorités locales pour l’empêcher.
Mais pour Sacha, le contrebandier, le durcissement des « contrôles » ne signifie qu’une chose: « Il faut avoir des protecteurs plus influents parmi les hauts responsables de la police et du FSB ».

• Olga Nedbaeva (AFP)

Articles similaires

24 heuresSociétéUne

Immersion dans les laboratoires de la fondation MAScIR

Elle développe plusieurs projets à la fois

24 heuresUne

Accidents de la circulation : 29 morts et 1.926 blessés du 13 au 19 août

Un total de vingt-neuf personnes ont été tuées et 1.926 autres blessées,...

24 heuresUne

Enlèvement, séquestration et viol avec violence : Trois personnes arrêtées à Casablanca

Les services du district de police de Hay Hassani à Casablanca ont...

24 heuresLivreUne

Parution du roman «Rhapsodies de Tanit la captive», d’Ahmed Boukouss

«Rhapsodies de Tanit la captive» est l’intitulé de l’ouvrage d’Ahmed Boukouss, qui...

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux