Une discrétion totale entoure l’activité et les déplacements officiels du président Moubarak, qui sont communiqués à la dernière minute à la presse. Sa vie privée est un tabou qu’aucun journal égyptien n’a jamais brisé.
Obsédé par la sécurité, le président Moubarak, qui a échappé à pas moins de dix attentats depuis le début de son règne, se tient à l’écart de la presse, à l’inverse de son prédécesseur Anouar el-Sadate, assassiné en 1981 par des islamistes, qui aimait s’afficher en sortant accompagné d’une cohorte de cameramen, de photographes et de journalistes.
Abdallah Sennaoui, directeur de la rédaction de la revue hebdomadaire “Al-Arabi” (opposition), a critiqué dimanche l’opacité qui avait marqué le traitement officiel de la rumeur lancée d’un centre islamique à Londres sur une dégradation de l’état de santé du chef de l’Etat. « Il aurait fallu dire la vérité, car la transparence est plus propice à l’établissement de la confiance », a-t-il estimé. M. Sennaoui a critiqué le silence des organes de l’Etat sur l’information et le fait que le journal gouvernemental “Al Akhbar” se soit contenté de l’attribuer à une « cinquième colonne ».
Dès mercredi en début de soirée, les responsables de l’information présidentielle ont dû avancer une rencontre du chef de l’Etat avec son ministre de la Défense, le maréchal Mohammed Hussein Tantaoui, et en montrer des images à la télévision pour rassurer la population, qui commençait à manifester les premiers signes d’inquiétude.
« Lire cette information sur un journal internet étranger, alors que notre presse n’en soufflait mot m’a rendue inquiète », a avoué Amina, employée de banque à Dokki.
Aucune explication n’avait cependant été donnée à cette brusque modification de l’agenda présidentiel, ni à l’annulation, le lendemain, jeudi, de la rencontre qu’il devait avoir avec le Premier ministre palestinien, Ahmed Qoreï, venu l’informer de la situation à Gaza dans la perspective d’un retrait unilatéral israélien.
L’audience a eu lieu vendredi matin à la résidence privée de M. Moubarak et non dans son bureau de la présidence, qu’il avait déserté depuis plusieurs jours déjà. La télévision en a diffusé une séquence montrant M. Moubarak assis, le dos raide, devant son hôte souriant, qui avait dû reporter son retour à Ramallah pour la circonstance.
Mais, elle n’avait fait aucune allusion aux problèmes de santé de M. Moubarak, alors que la rumeur continuait à gonfler. Certains affirmaient mordicus que les images télévisées et les photos publiées dans la presse étaient un « montage ». Ce n’est que samedi en début de soirée que les responsables de la communication présidentielle ont décidé d’annoncer que le président souffrait d’une hernie discale et qu’il allait se rendre dimanche en Allemagne pour y être opéré lundi.
Dans la foulée, ces communicateurs lâchaient que l’opération était bénigne et que M. Moubarak allait s’absenter entre cinq jours et une semaine d’Egypte, sans toutefois indiquer dans quel hôpital il allait être opéré, ni le nom de ses médecins allemands. M. Moubarak est accompagné d’une équipe médicale égyptienne, présidée par le ministre de la Santé, Mohammed Awad Tageddine.
A peine l’avion présidentiel parti, une nouvelle vague de rumeurs a fusé au Caire sur la nomination d’un vice-président. Pour certains, la nomination interviendrait dès le retour du chef de l’Etat, mais d’autres affirment qu’avant de s’envoler vers l’Allemagne, il en a déjà nommé un « second » … dont le nom ne sera rendu public qu’à son retour.
• Hassen Zenati (AFP)