Mardi, le gouvernement a révélé à Ouagadougou l’arrestation de douze militaires, dont d’anciens éléments de la sécurité présidentielle, et un civil, qui projetaient selon lui de renverser le président Compaoré. Avec l’aide « d’un pays étranger » que les autorités du Burkina ont refusé de nommer. « C’est comme un coup de tonnerre dans un ciel de saison sèche: le pays ne connaît pas de crise politique, les institutions républicaines fonctionnent normalement et le gouvernement entretient un dialogue social approprié », estime Kanidoua Naboho, président du groupe parlementaire du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, au pouvoir) et ancien ministre de la Défense. Tout en condamnant « des activités qui viseraient à attenter à la sureté de l’Etat », il a démenti formellement des informations faisant état de « mécontentement au sein de l’armée ». Cyril Goungounga, député d’opposition de l’Alliance pour la démocratie et la fédération du Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA), était tout aussi étonné. « Nous sommes tout à fait surpris par ces événements déplorables, il y a des problèmes certes mais il existe aussi des voies pour exprimer les mécontentements », a-t-il affirmé. Pour l’opposant numéro un à Blaise Compaoré, Me Hermann Yaméogo, cette tentative de coup d’Etat s’explique en revanche par des « problèmes au sein de l’armée ». « Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’on en arrive à cette situation », estime-t-il, évoquant notamment des « disparités de traitements » entre militaires et des litiges sur des « indemnités » à certains militaires de retour de mission à l’étranger. « Ce qui vient de se passer est révélateur », a lancé M. Yaméogo. L’annonce du gouvernement burkinabè a pourtant plongé les journaux du pays dans la perplexité. « Le Burkina n’est pas en crise, au nom de quoi tenter un tel coup de force? », s’interroge le quotidien privé Le Pays. L’Express du Faso, autre quotidien indépendant, tire la sonnette d’alarme: « le Burkina doit éviter de semer en son sein les germes d’une catégorisation des citoyens, les victimes des régimes d’exception s’étant ajoutées aux victimes du régime démocratique ». Pour le quotidien d’Etat, Sidwaya, « les Forces de sécurité ont évité au pays une tragédie grandeur nature qui ouvrirait la porte à une nouvelle chasse aux sorcières, grosse de dangers pour la paix sociale ». En attendant le résultat de l’enquête sur cette tentative de putsch, confiée à la Gendarmerie, les interrogations demeurent nombreuses sur les motivations et les objectifs des militaires arrêtés. Selon les autorités burkinabè, le « cerveau » du complot, le capitaine Ouali Luther Diapagri, a avoué après son arrestation qu’il cherchait à se venger de « brimades » dont il aurait été victime au cours de sa carrière militaire. Originaire de Sempéri, un hameau de la région de Fada N’Gourma (est) vers la frontière du Niger, le capitaine Diapagri a déjà été poursuivi par la justice militaire pour des « déboires » au sein de l’armée, selon le Commissaire du gouvernement, Abdoulaye Barry. Excepté un second capitaine, les autres militaires aux arrêts sont essentiellement des sergents, des caporaux ou de simples soldats, tous anciens éléments du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP). Selon M. Barry, ils ont expliqué leur participation au complot par le fait « d’avoir été exploités et abandonnés » par le gouvernement de Blaise Compaoré.
Boureïma Hama (AFP)