Alors que le dirigeant socialiste n’a pas même encore été désigné pour former le prochain gouvernement espagnol, les représentants des pays alliés de l’Espagne, venus assister aux funérailles nationales des victimes des attentats du 11 mars, se sont succédés pendant la journée de mercredi dans son bureau de député, à tel point que le secrétaire d’Etat américain Colin Powell a dû attendre 40 minutes la fin de l’entretien avec le président français Jacques Chirac.
Outre ces deux hommes, M. Zapatero s’est entretenu avec les Premier ministres britannique Tony Blair et polonais Leszek Miller, le chancelier allemand Gerhard Schroeder et le président portugais Jorge Sampaio. Le futur chef du gouvernement espagnol a fait passer deux messages: d’une part, le retrait espagnol de l’Irak est inévitable si l’ONU ne prend pas en charge ce pays – en lieu et place de la coalition américano-britannique – mais l’Espagne demeurera à l’avant-garde de la lutte contre le terrorisme; d’autre part, Madrid n’accepte plus les concepts de « nouvelle » Europe dont elle ferait partie, face à la « vieille » Europe, mais veut appartenir à l’Europe qui décide et veut se rapprocher de Paris et de Berlin. « Il n’y a qu’une Europe, c’est l’Europe du futur », a souligné Miguel Angel Moratinos, futur ministre des Affaires étrangères, qui a participé à tous les entretiens de mercredi.
Ces prises de position, en rupture avec la politique de José Maria Aznar, ont été énoncées avec la volonté de dédramatiser pour ne pas retomber dans les affrontements de l’an dernier.
M. Zapatero a exprimé au cours des derniers jours sa volonté de conserver de bonnes relations avec les Etats-Unis et, en dépit des difficultés que présentent les demandes espagnoles par rapport à la ligne de conduite de Washington en Irak, Colin Powell a, dans un premier temps, « exprimé le désir de coopérer … et de continuer les discussions », selon un haut responsable du Département d’Etat.
Des sources américaines comme espagnoles ont insisté sur le caractère exploratoire de l’entretien de mercredi, qui a duré moins de 20 minutes, ce qui n’a pas permis d’entrer dans les détails.
Pour obtenir une nouvelle résolution du Conseil de sécurité qui confie la responsabilité de l’Irak à l’ONU, M. Zapatero compte notamment sur le Premier ministre Tony Blair, a-t-on indiqué de sources britanniques.
Les énormes difficultés et incertitudes qui pèsent sur une adoption, en trois mois, d’une telle résolution, ont conduit certains journaux espagnols à s’interroger sur la rigidité de la demande espagnole. Ils estiment que l’important est que le débat soit amorcé avant le 30 juin, terme du mandat des troupes espagnoles, ce qui pourrait justifier un délai pour un éventuel retrait.
Les réunions de Madrid, tenues à la veille du sommet européen de Bruxelles, ont confirmé que le changement de gouvernement en Espagne devrait fortement aider à débloquer le projet de Constitution européenne.
M. Zapatero a manifesté devant M. Blair, Chirac et Schroeder sa volonté de faciliter l’adoption d’un texte fondamental. « Il est très probable que l’Europe soit dotée d’une Constitution avant la fin de la présidence irlandaise » le 30 juin, a estimé, avec optimisme, M. Moratinos.
Sans aller jusqu’à accepter une réduction du poids de l’Espagne dans la future Constitution, M. Zapatero et ses collaborateurs ont indiqué ces derniers jours qu’ils étaient prêts à examiner favorablement le système de vote à la double majorité, rejeté par M. Aznar.
• Xavier Baron (AFP)