Passant pour un faucon, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui rencontrait mercredi le président palestinien Mahmoud Abbas à Jérusalem, se serait-il mué en colombe au moment où la reprise de leur dialogue met à l’épreuve la sincérité des deux protagonistes? Le président israélien Shimon Peres, prix Nobel de la Paix, qui ne manque aucune occasion de témoigner sa confiance à un homme qui affiche désormais sa volonté de parvenir à la paix au prix de «concessions douloureuses», le croit. Nul doute que beaucoup d’Israéliens veulent croire en un «nouveau Netanyahu», comme l’a titré un journal, quand bien même les analystes sont partagés. Le fait est que M. Netanyahu, longtemps avocat d’un «Grand Israël» -de la Méditerranée au fleuve Jourdain, englobant donc la Cisjordanie-, opposé à tout compromis territorial avec les Palestiniens, a fini par se rallier publiquement à l’idée de «deux Etats pour deux peuples». Même ses adversaires reconnaissent que celui qu’ils ont souvent traité «d’illusioniste» est capable de pragmatisme. De fait, s’il n’avait été un habile tacticien, le leader de la droite n’aurait pas réussi à emporter les législatives de février 2009 et à asseoir son pouvoir sur une large coalition après une victoire indécise. Il ne serait pas parvenu à satisfaire jusqu’à ce jour ses alliés d’extrême droite, qui poussent à la colonisation, et préserver en même temps, malgré quelques accrocs, des relations privilégiées avec Washington qui veut son gel. Mais s’agit-il uniquement de tactique? «C’est la question cruciale. Il est certain que Netanyahu a dit des choses justes sur la paix à Washington lors de sa rencontre avec Abbas, mais il lui reste à prouver le sérieux de ses intentions», estime Yossi Alpher, ex-directeur du Centre d’études stratégiques de l’Université de Tel-Aviv. Ce spécialiste du conflit israélo-palestinien relève qu’à la création de son gouvernement, «Netanyahu a choisi de s’allier avec l’extrême droite hostile à un accord de paix» au lieu de faire entrer le parti centriste Kadima. En revanche, le politologue Eytan Gilboa est convaincu que «Netanyahu a sincèrement renoncé au rêve d’un Grand Israël» et que «l’âge, l’expérience et les circonstances» l’ont conduit à adopter une ligne politique «pragmatique» comme ses prédécesseurs Ehud Barak, Ariel Sharon et Ehud Olmert. Aluf Benn, commentateur du quotidien Haaretz (gauche), a récemment qualifié le Premier ministre de «colombe» qui «use de la force militaire avec parcimonie et cherche enfin une solution diplomatique au conflit». Tous ne sont pas convaincus : «Heureux ceux qui croient», a ironisé un autre analyste du Haaretz, Akiva Eldar. «Si Netanyahu veut sincèrement aboutir à un accord sur un retrait des territoires, pourquoi ne prépare-t-il pas l’opinion (israélienne) à un tel tsunami», s’interroge-t-il en jugeant que jusqu’à présent «Bibi» n’a fait «des concessions que du bout des lèvres». Nahum Barnéa, la plume vedette du premier quotidien israélien, le Yediot Aharanot, accuse carrément M. Netanyahu de manoeuvres dilatoires quand il exige des Palestiniens de reconnaître Israël comme «Etat du peuple juif», sachant qu’ils ne céderont pas sur ce point. «Un Etat n’a pas à demander qu’on reconnaisse son caractère ethnique», souligne le journaliste.Selon lui, le chef de la droite cherche à rejeter sur les Palestiniens la responsabilité d’un échec des pourparlers. «Netanyahu avait promis à Washington qu’il voulait parvenir à la paix, sans gagnant ni perdant. Mais quelques jours ont passé et il est revenu à ses vieux trucs», écrivait récemment Nahum Barnéa. Côté palestinien, l’heure est aussi au scepticisme : «Netanyahu parle si joliment et si poliment qu’on croirait entendre Mère Teresa. Mais ses actes ne suivent pas ses paroles», regrette un haut dirigeant palestinien, Mohammed Dahlane.
Marius Schattner (AFP)