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Institutionnalisation de l’amazigh : Le principal frein est juridique

© D.R

Entretien avec Ahmed Boukous, recteur de l’Institut royal de la culture amazighe (Ircam)

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Cinq années se sont écoulées depuis la révision de la Constitution et la consécration de la langue amazighe comme une langue officielle de l’Etat, en tant que patrimoine commun des Marocains sans exception. Une constitutionnalisation largement saluée mais, selon les observateurs, plombée par le retard qu’accusent les lois organiques relatives à l’amazigh au niveau de leur élaboration. Pour plus d’éclairage sur cette question et bien d’autres, ALM a été à la rencontre d’Ahmed Boukous. En sa qualité de recteur de l’Institut royal de la culture amazighe (Ircam), celui-ci est revenu en détail sur les obstacles et les défis auxquels est confrontée la mise en place du nouveau statut de l’amazigh, son nouveau statut dans le champ constitutionnel et législatif marocain ainsi que la stratégie mise en place pour sa promotion.
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ALM : Quels sont les grands défis de la mise en application des textes relatifs à l’amazigh ?

Ahmed Boukous : Les défis sont de plusieurs ordres. D’abord, la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles, notamment pour ce qui est du statut officiel de l’amazigh et à son institutionnalisation en général. Ensuite, il y a la généralisation de l’enseignement de l’amazigh au plan national et dans les différents cycles du système éducatif. Enfin, il y a l’intégration effective de la langue et de la culture amazighes dans le paysage médiatique national, dans les chaînes de radio et de TV par l’application des cahiers des charges des chaînes. Il y a lieu de mentionner aussi le soutien à apporter aux promoteurs de la culture amazighe et aux créateurs, dont certains vivent dans la précarité.

L’accompagnement financier est-il toujours le principal obstacle à l’intégration de l’amazigh dans le quotidien des Marocains ?

L’Ircam ne souffre pas de déficit budgétaire sur le plan du fonctionnement. Quant à l’application du statut officiel de l’amazigh, comme il s’agit d’un chantier nouveau, elle nécessitera probablement un accompagnement financier conséquent. C’est pourquoi des ressources doivent être mobilisées pour réussir l’institutionnalisation de l’amazigh.

Quelles sont les autres contraintes auxquelles vous faites face ?

La principale contrainte qui grève le processus de promotion de l’amazigh, c’est le retard apporté à la promulgation des lois organiques prévues à l’article 5 de la Constitution, à savoir la loi relative au statut officiel de l’amazigh et celle concernant la création du Conseil national des langues et de la culture marocaines. Cette contrainte juridique freine l’institutionnalisation de l’amazigh dans tous les secteurs.

Existe-t-il une réelle stratégie pour la promotion de la langue amazighe à court, moyen et long termes ?

Oui, bien sûr. La stratégie en question découle de la Constitution qui fait une place importante à la langue et à la culture amazighes. Elle se base aussi sur les discours de SM le Roi depuis le discours d’Ajdir jusqu’aux discours de SM le Roi devant le Parlement, en passant par le discours du 9 mars 2011, qui est un discours fondateur de la Constitution de 2011. Le dahir qui crée et organise l’Ircam est tout entier dédié  à la stratégie de promotion de l’amazigh. La  reconnaissance de la diversité culturelle et linguistique est au cœur de cette stratégie; elle est explicitée notamment dans le préambule de la Constitution et dans son article 5.  Cette stratégie globale est déclinée en axes prioritaires et en opérations sectorielles dans les plans d’actions annuels de l’Ircam.

Quelle place occupe la femme amazighe dans les projets de l’Ircam ?

La femme occupe une place importante dans les projets de l’Ircam. C’est la place qui lui revient traditionnellement dans la culture amazighe en tant que gardienne du patrimoine culturel et en tant qu’agent de sa transmission entre les générations. C’est pourquoi l’Ircam célèbre à la fois la journée nationale de la femme et la journée mondiale. En outre, plusieurs études sont consacrées à la femme, à son rôle dans l’éducation, la transmission de la langue et de la culture et son rôle économique. Enfin, à l’Ircam, nous faisons de notre mieux pour assurer la parité femmes-hommes dans les différents échelons de la gestion administrative et académique.

Globalement, quel bilan tirez-vous du travail accompli par votre institution depuis la constitutionnalisation de l’amazigh ?

Le bilan de l’Ircam est largement positif, depuis sa création et en comparaison avec la situation de l’amazigh avant 2001. L’Ircam continue à réaliser les missions qui sont les siennes, à savoir d’abord les actions menées dans le domaine de la recherche scientifique visant à aménager la langue par le moyen de dictionnaires, de lexiques et de grammaires, de traductions, des études sur les expressions littéraires et artistiques, et la confection d’outils  pédagogiques et didactiques. L’Ircam œuvre aussi  dans le domaine de l’enseignement et de la formation des enseignants du primaire et des étudiants des filières d’études amazighes dans les universités. Un autre domaine d’intervention de l’Ircam est le rayonnement culturel à travers la participation aux rencontres aux niveaux régional, national et international.
Enfin, l’Ircam apporte son soutien aux associations qui travaillent à la promotion de la langue et de la culture amazighes, ainsi qu’aux artistes et créateurs.  Le domaine de l’édition est également important dans l’activité de l’Ircam, qui a publié jusqu’ici près de 350 ouvrages réalisés par les chercheurs internes et des chercheurs externes; la bibliothèque comprend près de 20.000 ouvrages spécialisés.  Toutes ces réalisations font de l’Ircam un pôle de référence dans le domaine des études amazighes au Maroc et à l’étranger.

Propos recueillis par
Leila Ouchagour

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