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Tariq Ramadan : La politique préventive a épargné au Maroc les soulèvements

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ALM : Comment est venue l’idée de collaborer avec Mundiapolis ?
Tariq Ramadan : Ma collaboration avec l’Université Mundiapolis n’est pas née de la dernière pluie, elle est longue et j’ai toujours pensé qu’il était important pour moi, vivant en Occident et touchant à différents domaines, de venir accompagner les formations étudiantes. Cette année la décision a été plutôt de donner un cours plus pointu que d’habitude lié à l’islam politique. Ceci nous permettra d’aborder trois axes: les fondements et les principes qui ont amené à créer l’islam politique ou l’islamisme, l’historicité, c’est-à-dire les évolutions à travers le temps et le rapport avec l’Occident qui est, à mon sens, une approche indispensable quand on est dans une société comme le Maroc, laquelle est par sa nature même bilingue. Pour moi donc cela fait partie d’une dimension importante de mon travail, c’est le lien des relations académiques qu’il y a entre les institutions qui sont en Occident là ou je travaille et puis ce qui se fait au Maroc et cela permet d’être aussi dans une interaction avec les étudiants marocains.

Quel est le rapport, selon vous, entre l’islam politique et les mouvements islamiques ?
Les transformations démocratiques dans le monde arabe ont débouché dans la plupart des pays sur la participation des forces islamistes dans les jeux politiques nationaux. Tous ces mouvements sont au départ des mouvements qui n’ont aucune spécificité idéalogique, c’est-à-dire ils ne sont pas islamistes, mais ils ne sont pas aussi forcément laïcs, ils ont un dénominateur commun, le refus de la dictature, le refus de la corruption, et surtout un élan dont la motivation est plus socio-économique qu’idéologique et politique. Mohamed Bouazizi quand il s’est donné la mort, il se l’est donnée à partir d’une situation de paupérisation qui est une réalité de la Tunisie. Donc ce qu’il faut comprendre c’est que la force de tous ces mouvements fut à son origine le fait qu’il n’y avait pas de mouvement idéologique spécifique.

Un peu partout dans le monde arabe, les islamistes ont réussi à gagner du terrain et les élections comme c’est le cas en Égypte, en Tunisie et ici au Maroc… serait-ce un printemps islamique ?
Quand la chute de la dictature s’est produite en Egypte et en Tunisie, bien des spécialistes avaient annoncé hâtivement que l’islam politique avait disparu. Or, moi je dis depuis toujours que si la dictature réprime l’expression des musulmans, elle ne fait pas pour autant disparaître la réalité de l’Islam.
S’agissant des élections, des experts occidentaux ont commencé à se demander si on va vers des révolutions islamistes. Je ne le crois pas. Tout simplement parce que les islamistes ne sont pas à l’origine de la diffusion et la propagande de ces mouvements. Ils les ont rejoints. Et l’islam politique au sens de mouvement politique, des organisations politiques et dont le référent est l’Islam n’a jamais disparu, ni de l’Egypte, ni de la Tunisie, ni d’aucun pays arabe.

Quelles sont les raisons qui ont fait du Maroc un pays d’exception par rapport à la vague du Printemps arabe?  
Le Maroc n’a pas eu l’expérience des soulèvements pour trois raisons: la première c’est parce que sa situation politique comparée à celle des autres pays arabes était bien meilleure, car on avait plus de liberté et un espace d’expression plus large.
La deuxième des choses c’est l’intelligence du pouvoir politique qui va opter pour une politique préventive, c’est-à-dire donner de l’espace à des forces politiques qui étaient jusqu’alors plutôt dans l’opposition perpétuelle. Quant au troisième élément, il revient aux acteurs eux-mêmes qui sont aujourd’hui des élus islamistes dont le chef est Abdelilah Benkirane. Leur intégration dans le champ politique au point d’en choisir un Premier ministre fait qu’il y a une reconnaissance de l’autorité suprême au-dessus d’eux. Ils se sont parfaitement intégrés au cadre dans lequel on les a mis et c’est ce qui fait qu’il n’y a pas eu des tensions qui vont vers l’implosion.

Quels sont les défis auxquels doit faire face le gouvernement Benkirane?
La vraie question à poser est celle-ci: Est-ce que ce gouvernement a les moyens d’une politique alternative qui va faire changer les choses ? Une politique qui pourrait essentiellement être liée à trois points fondamentaux: à l’assainissement contre la corruption, à la vraie justice sociale et à la réforme du système scolaire dans ce pays. Car le Maroc a un sérieux problème sur le plan du système scolaire.
Une autre question à poser serait d’ordre économique et social: ce gouvernement a-t-il les moyens pour faciliter l’accès au marché de l’emploi à la jeune génération qui arrive et qui maintenant est partie prenante de la dynamique marocaine? Il faut également savoir que de tous les pays d’Afrique du Nord, le premier qui connaît un important retour de l’immigré éduqué à l’extérieur c’est le Maroc. Ceci veut dire qu’il faut penser à les intégrer dans une économie et une dynamique qui seraient constructives et qui vont vers le meilleur. Or, aujourd’hui est-ce qu’on voit ces alternatives se présenter dans le discours politique? Non. Est-ce qu’on va les voir ? Une année et demie en termes politiques c’est trop tôt pour juger.

Comment trouvez-vous la disparition du Cheikh Abdessalam Yassine, fondateur et chef spirituel du mouvement islamiste Al Adl Wal Ihsane ?
Le Maroc a perdu une référence religieuse, un guide spirituel, une figure qui aura marqué son temps. Cheikh Abdessalam Yassine est une personne que j’ai rencontrée et dont j’ai respecté la cohérence des idées.
Qu’on soit d’accord ou non, on doit reconnaître à ce mouvement une cohérence dans son positionnement politique. Maintenant, et après la disparition du Cheikh, y a-t-il des solutions qui seront ramenées par le mouvement au Maroc? Je ne le crois pas.
Le lion du mouvement n’est plus et aujourd’hui sa disparition laisse poser beaucoup de questions sur la cohérence interne du mouvement.

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