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Comment traduire sans trahir ?

Tahar Ben Jelloun est un écrivain qui ne mâche pas ses mots, surtout lorsqu’il s’exprime sur les traductions de ses propres écrits. Récemment, l’auteur a qualifié la traduction de ses oeuvres en arabe de « déplorable » et soutient même que ses écrits ont été « dénaturés ». C’est une dépêche de l’agence MAP qui le rapporte, citant l’écrivain lors d’une rencontre avec des intellectuels libyens à l’Institut français (IF) de Tripoli. Preuve à l’appui, Tahar Ben Jelloun a présenté la version arabe de son roman « L’auberge des pauvres », affirmant que tous ses livres sont mal traduits vers cette langue. La colère de l’auteur ne concerne pas uniquement ses travaux. Il a également dénoncé « la médiocrité » des traductions en arabe des livres d’expression française, déplorant par la même le non-respect des droits d’auteur. Le réquisitoire de Tahar Ben Jelloun pose en effet deux problèmes de taille qui concernent une discipline intellectuelle en souffrance au Maroc et dans le monde arabe : la traduction littéraire. En premier lieu, la qualité et la nature même du travail de traduction en arabe. Pour cerner le problème, il faudrait revenir aux multiples définitions théoriques de la traduction littéraire.
À la base, un traducteur est un lecteur qui lit d’abord le texte publié dans la langue de départ. Avant de le traduire, il essaie de construire un monde imaginaire, souvent différent de celui que l’auteur crée dans son le texte d’origine. À la fin de sa construction, il essaie de traduire, de transposer son monde imaginaire dans une autre culture. La traductologie définie ainsi l’acte de traduire « comme le processus d’interprétation de texte par le traducteur ». Mais cette démarche se pose souvent d’une manière problématique et différentes approches théoriques se présentent en la matière. Touria Ikbal, poétesse et traductrice marocaine estime que « pour traduire, il faut se saisir de l’émotion de l’oeuvre. Traduire ne peut se faire qu’à travers l’adoration de l’oeuvre. La connaissance de la langue ne suffit pas. C’est de toute la culture dans laquelle l’auteur a été baigné qu’il faut se saisir».
La traduction n’est donc pas une simple adaptation linguistique. La dimension émotionnelle se présente comme un élément déterminant de la qualité de la traduction. D’autres paramètres, liés à la construction linguistique du texte, interviennent pour conditionner l’approche de travail du traducteur littéraire. Pour Anne Wade Mincowski, traductrice française connue notamment pour avoir traduit l’oeuvre d’Adonis, «la traduction d’un texte littéraire pose problème dans la mesure ou chaque texte a une double structure et une double dimension : référentielle et esthétique».
C’est pour cette raison que «chaque traduction est un cas d’espèce ». Certains traducteurs vont jusqu’à considérer la traduction comme une oeuvre à part entière. Frederic-Jacques Temble, traducteur français, estime dans ce sens que « traduire ne signifie pas adapter. Mais recréer dans sa propre langue».
Le débat théorique sur les approches de la traduction littéraire ne se limite évidemment pas là. Mais il est clair que la traduction littéraire se présente aujourd’hui comme une discipline qui requiert un savoir-faire et beaucoup de professionnalisme. Et c’est justement ce qui fait défaut à une bonne partie des textes traduits en arabe et qui submerge les bibliothèques et les librairies. Comment expliquer ce phénomène ? Pour un éditeur de la place, le problème n’a rien à voir avec la langue arabe, encore moins avec le potentiel académique des traducteurs professionnels. Cette situation s’explique principalement par l’anarchie qui caractérise le secteur de la traduction dans de nombreux pays arabes.
En effet, la majorité des traductions en arabe proviennent essentiellement de certaines maisons d’édition du Moyen-Orient, peu regardantes sur les normes de qualité exigées en la matière. Pour réduire les coûts, ces maisons n’hésitent pas à solliciter les services de traducteurs inconnus et non professionnels. L’absence de structures de régulation et de contrôle au niveau arabe et national et le non-respect des droits d’auteurs dans les marchés arabes (et marocain) aggravent le phénomène. Car ces traductions sont réalisées sans le consentement de leurs auteurs. Une situation doublement préjudiciables aussi bien aux oeuvres littéraires qu’a la langue arabe.

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