Le sexe est en général fort laid. Les femmes qui vont à la ville ont grand soin de cacher leur visage, ne voulant pas être vues par les étrangers. Chaque camp est sous la direction d’un «saïk» qui est chargé de faire rendre la justice. Il décide du châtiment des coupables ; il peut même infliger la peine de mort. C’est l’Empereur qui le nomme, et qui choisit ordinairement un riche propriétaire.
Etant trop éloignés des mosquées où ils peuvent pratiquer leur religion, ils placent au milieu du camp une tente vide pour l’usage du culte ; elle sert aussi aux voyageurs qui veulent s’y retirer pour passer la nuit. Ceux qui s’y arrêtent y trouvent un bon repas qui est offert par la tribu entière.
Tous les enfants s’assemblent dans cette tente au lever du soleil ; ils y récitent des prières qu’on a gravées sur une planche en caractères arabes. Cette planche reste toujours suspendue dans la tente. L’éducation des Arabes se borne à savoir lire quelques prières, et à les apprendre par coeur.
L’inconstance de ce peuple presque sauvage lui a fait donné le nom de peuple errant. Lorsque l’endroit où il s’est fixé devient moins productif, et que ses bestiaux n’y trouvent plus de nourriture, il déménage pour aller s’établir dans un lieu plus fertile. J’ai rencontré un jour une de ces tribus qui changeait de domicile : leur tentes, leurs instruments d’agriculture, leurs femmes et leurs enfants étaient portés par des mulets, des chameaux, des vaches et des taureaux.
Dans l’Empire de Maroc, personne n’a de propriété : tout le territoire, près des villes, appartient à l’Empereur.
Si un Arabe veut changer de situation, il présente sa requête au souverain ou au bacha de sa province, et on lui permet quelquefois d’acquérir un petit domaine ; mais s’il obtient cette faveur, il la paye cher par la redevance annuelle qu’on lui impose. Je n’ai eu qu’à me louer du bon accueil que j’ai reçu dans les camps arabes. Ces peuplades sont hospitalières. Lorsque j’arrivais dans un de ces camps, chacun s’empressait à me servir. C’était à qui m’aiderait le premier à tendre ma tente. Si l’on s’attroupait autour de moi, c’était seulement par curiosité, et sans aucune mauvaise intention : on paraissait au contraire avoir fort envie de me rendre service. L’habillement de ces Arabes n’est autre chose qu’un froc grossier de laine, qu’ils s’attachent autour du corps avec une courroie. Ils appellent cashove la partie de leur vêtement qui descend au-dessous des reins. Ils portent aussi un haïk, qui est une espèce de camisole faite de laine ou de coton. Lorsqu’ils sortent de leurs demeures, ils prennent un grand manteau, qu’ils jettent négligemment sur leurs épaules. Ce manteau peut servir aussi à leur couvrir la tête. Leurs cheveux sont courts, et entièrement enveloppés d’un rezza ; ils ne font point usage de turbans, de bonnets, ni de bas. Il est rare de les voir se servir de sandales, qui est la chaussure ordinaire du pays. L’habillement des femmes est presque le même que celui des hommes ; il ne diffère que parce qu’elles ont l’adresse de former avec leurs cashove une espèce de sac sur le dos, qui sert à porter leurs enfants ; par ce moyen elles peuvent vaquer à toutes les affaires du ménage, sans se séparer de leur nourrisson. Leurs cheveux sont artistement arrangés, et couverts d’un mouchoir, dont elles s’entourent la tête. La grande passion qu’elles ont pour les colifichets d’or ou d’argent leur fait mettre tout en usage pour s’en procurer : il n’y en a aucune qui ne soit parée d’un collier de perles.
• Par William Lemprière
Voyage dans l’empire de Maroc et au Royaume de Fez
