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Henri Lopez : «Les esclaves africains ont créé la grande chanson américaine»

© D.R

ALM : Quel est le rôle du prix de la poésie du défunt écrivain et poète congolais Tchicaya U Tam’si au niveau africain?
Henri Lopes : C’est un prix extrêmement important. Car dans le domaine des lettres, la poésie est à la fois un genre majeur, peu visible et peu connu du public. Un poète trouve beaucoup de difficultés à se faire imprimer et à diffuser son œuvre. Alors tout ce qui peut permettre de donner la visibilité à une œuvre politique d’un écrivain vivant doit être encouragé et c’est le cas du prix de Tchicaya U Tam’si. Je crois que c’est le premier prix qui célèbre ce poète qui est un congolais par ses origines mais qui sentait quelque chose qui le liait à la ville d’Asilah. Il avait l’habitude d’y venir souvent, avant même que le festival culturel d’Asilah soit connu, et il en était devenu ainsi très amoureux. Il m’a beaucoup parlé de cette ville avant que je n’y vienne pour la première fois en 1985 ou 1986. Ce prix est décerné, cette année, au grand poète nigérien Niyi Osundare qui avait obtenu plusieurs distinctions dont le prix du Commonwealth. 

Quel est, à votre avis, l’apport des manifestations culturelles et artistiques tel celui du moussem d’Asilah au niveau africain ?
De telles manifestations ont un impact important dans le domaine culturel et artistique. Parce qu’une rencontre de ce genre permet de faire sortir le créateur- qu’il soit écrivain, peintre, musicien ou sculpteur de la solitude dans laquelle il se trouve. Et je crois que le festival d’Asilah est pratiquement le seul festival qui a réussi à avoir lieu chaque année.
C’est une belle expérience à prendre en modèle. C’est vrai qu’il y ait eu de grands festivals panafricains mais en près de cinquante ans il n’en est resté que deux ou trois. Il faut aussi souligner l’impact positif de ce Moussem sur cette petite ville qui était presque autrefois à l’abandon.
Sa renaissance est dû essentiellement à la culture et non pas à d’autres richesses. Telle est l’affirmation de l’UNESCO où j’ai travaillé et défendu l’idée que la culture est le fondement du développement.

Comment se comporte la culture africaine ?
La culture permet de jouir de la gaieté de la vie en Afrique, c’est ce qui nous a permis de survivre par exemple à la traite négrière. Ce sont les esclaves qui chantaient dans les cales de bateaux qui ont donné naissance à la grande chanson américaine. Aujourd’hui lorsque vous allez dans une discothèque, vous voyez que les jeunes ne dansent plus le Tango ou le menyé de leurs parents ou de leurs grands-parents mais ils pratiquent la danse dans nos villages, en tapant dans les mains, en déhanchant… Cette culture africaine n’est pas écrite de manière explicite, malheureusement et les gouvernements et les autorités sont appelés à appuyer et soutenir ces artistes créateurs.

Hier dans la table ronde consacrée à «l’Afrique et le hasard» vous avez dit que le roman est le meilleur moyen pour l’éducation. Comment expliquez- vous cela ?
Personnellement, je trouve que le roman nous permet de toucher à la réalité. Si vous aimeriez étudier l’histoire d’un pays, il vous donnera aussi bien des données que des idées. Je crois qu’il vous sera plus utile que l’historien vous permettra d’aller à la rencontre de l’âme du peuple. Mieux encore le roman vous parle à l’oreille puisque c’est très difficile de le lire à haute voix et c’est le chuchotement qui vous fait découvrir l’accent et les intonations de tel ou tel pays. Ce qui nous pousse à croire beaucoup à la force du roman et à la force de la poésie, qui sont deux genres importants.

Est-ce que les littéraires africains ont réussi à avoir la place qu’ils méritent au niveau international ?
Les Africains étaient autrefois des gens de la tradition orale et qui se sont parvenus, actuellement, à s’imposer au niveau international. La communauté internationale a reconnu ce mérite par des prix. C’est le cas de l’écrivain nigérien Wole Soyinka et l’écrivain égyptien Naguib Mahfouz ainsi que d’autres écrivains sud-africains qui ont obtenu le prix noble de la littérature. Pour le cas des autres écrivains et poètes francophones, nous citerons l’Ivoirien Amadou Kourouma, l’écrivain congolais Alain Mabanckou qui ont obtenu le prix Renaudot et auxquels il faut ajouter le grand homme de lettres sénégalais et l’ancien familier du Moussem d’Asilah, le défunt Léopold Sedar Senghor qui a su imposer la littérature africaine.

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