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L’enfance détournée des jumelles Laghriss

En ce mois de septembre 2003, les juges de la Cour d’appel de Rabat, et une équipe de journalistes, toutes nationalités confondues, suivaient le procès du français Pierre-Robert et des 33 membres de son groupe . Une « nouvelle » fera l’effet d’une douche froide sur tout le monde : la police venait d’arrêter deux fillettes qui projetaient des attentats kamikaze contre un centre commercial de la capitale, des personnalités politiques et le Parlement. Selon les premières « fuites », les sœurs Laghriss, qui étaient âgées d’à peine quatorze ans, voulaient agir via un système combinant des bonbonnes de gaz et un mode de mise à feu des plus rudimentaires (de simples mèches).
L’arrestation des sœurs Laghriss est alors considérée comme une tentative de détourner l’attention du très médiatisé procès de l’émir français. Le début des instructions révèlera les dessous de ce qui s’apparente plus à un drame : de jeunes filles, au sortir d’une enfance mal vécue, ont été récupérées et instrumentalisées par la nébuleuse intégriste.
Leur insouciance de la gravité de ce qui leur était reproché donnait plus d’ampleur à ce drame. Le juge d’instruction aura du mal à faire se tenir en place Sana’e et Imane qui n’arrêtaient pas de se chatouiller au moment où le magistrat était en train d’instruire leur procès !
Dire que les sœurs Laghriss sont nées sous une mauvaise étoile serait un euphémisme. Elles sont plutôt nées sous « X ». Leur géniteur, un ex-soldat, n’a jamais voulu les reconnaître. Elles seront également obligées de passer leur enfance dans un bidonville du quartier « Youssoufia » en compagnie d’une mère qui, lorsqu’elle n’avait quelque semblant d’occupation, faisait la manche.
Au moment où il fallait les inscrire à l’école, ce sont des membres de la famille de leur mère qui se chargèrent d’elles. Ce furent de nouvelles années de mal-vie qui finirent pas obliger Sana’e et Imane à revenir auprès de leur génitrice. Pour commencer une autre descente aux enfers. Placées, comme bonnes chez plusieurs familles, elles goûtèrent à l’amertume qui a toujours fait l’actualité des petites bonnes : sévices corporels, mauvais traitements et d’autres comportements que les deux jeunes filles taisent, mais qu’on pourrait facilement deviner.
Les retours, fréquents, dans leur quartier leur permettent de faire connaissance avec de petits dealers qui se sont reconvertis au salafisme. Mostafa Chater, voyou «tombé» tardivement dans la religion (à la manière des théoriciens de la haine) les prend en charge.
Le lavage de cerveau commence pour ces petites qui ne quitteront plus, dès lors, l’une des mosquées du coin. Abdelakder Labsir, qui mettait en place une cellule à Rabat, est convaincu de pouvoir «innover» en matière de terrorisme.
Les fillettes sont d’abord chargées de distribuer des tracts dans les coins huppés de Rabat. Sana’e et Imane pousseront la hardiesse jusqu’à demander à l’imam de leur mosquée un «avis» sur des attentats kamikaze au Maroc. La réponse de ce dernier est loin de « faire l’affaire» et le vénérable théologien s’en sort avec quelques lettres intempestives avant de perdre de vue les deux sœurs.
Arrêtées par la police, ces dernières, par leurs aveux, permettront l’arrestation d’un grand nombre de membres de la cellule de Rabat. Jugées à huis clos (parce qu’étant des mineures), elles sont condamnées à cinq ans de prison.
De l’avis général, l’arrestation des deux jeunes filles avant qu’elles aient commis l’irréparable est une « bonne chose » pour elles.
Après deux années passées à la prison de Salé et de Casablanca, elles bénéficient de la grâce royale, en août 2005, et elles sont placées au centre Abdeslam Bennani dans la métropole où elles sont totalement prises en charge.
La grâce royale incluait également l’abandon d’autres charges : lors de leur séjour en prison, Imane et Sana’e ont été poursuivies pour atteinte aux valeurs sacrées de la nation: elles ont bidouillé quelques tracts trouvés sur elles.
Aux dernières nouvelles, les sœurs Laghriss ont passé leurs vacances d’été à Tamaris (Casablanca) parmi les bénéficiaires du programme «Vacances pour tous». Des familles de mécènes apportent leur contribution, combien décisive, pour leur réinsertion alors qu’un travail, valorisant et rémunéré, leur a été trouvé dans la même ville.
Sana’e et Imane, qui en avaient vu de toutes les couleurs, sont revenues de loin. Elles semblent décidées, selon leur entourage, à tourner la page pour de bon, même si, à dix-sept ans, elles continuent de porter les séquelles indélébiles d’une enfance doublement détournée.

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