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L’incontournable Jben des tables du Ramadan

Abdelqader Qorchal revendique trente ans de pratique. Son Jben est unanimement apprécié par les passants de la petite rue qui mène à Bab Marrakech. Chaque jour, depuis que Ramadan a commencé, il est fidèle au poste, droit comme un I derrière son étal roulant. Difficile de le manquer : il est installé à l’entrée de la rue, sous le panneau d’interdiction de tourner. Le jben, c’est sa spécialité. Dans leurs corbeilles en plastique ajouré, les blocs de fromage blanc s’alignent devant lui comme à la parade, attendant d’être découpés en morceaux plus petits et enveloppés d’une feuille de plastique transparent. Les gestes se répètent au point d’en être fascinants.
Un coup d’éponge sur la partie de l’étal qui fait fonction de plan de travail pour commencer. Puis la corbeille est renversée dessus et le boc de fromage est libéré de son moule, prêt à être découpé. Abdelqader intervient alors et procède au fractionnement : les coups de couteau sont nets, le découpage est précis, les parts semblent identiques. Puis le vieil homme enveloppe chacune des parts d’un morceau de plastique et c’est au moment où l’on commence à se demander s’il ne craint pas de finir la journée avec toute ces portions de jben sur les bras qu’un passant s’arrête.
«Salut, Ba Abdelqader, j’en voudrais un quart s’il te plait. C’est pour ma mère, j’espère qu’il est parfait ?» Sans paraître offensé par la question, Abdelqader dépose l’une des portions sur l’un des plateaux de la balance, complète le bloc prédécoupé de la quantité nécessaire, glisse le tout dans un sac plastique et encaisse les dix dirhams correspondant. Paisiblement, il répond à l’interpellation : «Je suis là aujourd’hui et je serai là demain. Comment mon fromage pourrait-il ne pas être bon ? C’est ma réputation que je mets dans chaque part que je vends, mes clients ne risquent rien… Tout le monde ne peut pas en dire autant, mais les gens ne respectent plus que l’argent !»
Chaque jour depuis le début de Ramadan, Abdelqader Qorchal investit près de six cents dirhams en matière première, 90 litres de lait. Le flacon de présure, le ferment qui permet de faire cailler le lait, lui revient à cent dirhams le flacon, pour une dizaine de doses environ. L’emplacement quant à lui ne lui coûte rien, ni taxe ni passe droit. Les vendeurs de la rue bénéficient d’une tolérance spéciale en période de Ramadan : à partir de quinze heures, ils sont autorisés à s’y installer.
Le jben se vend à 40 dirhams le kilo. Au bout du compte, un revenu modeste mais dont l’homme sait se contenter. «Le jben, explique Abdelqader, je n’en produit que pendant Ramadan. Le reste de l’année, ma spécialité c’est le nougat. C’est ainsi que depuis trente ans j’ai fait vivre ma famille et élevé mes cinq enfants. Mon aîné vient de finir ses études à la Faculté de droit. J’ai marié ma fille. Mes autres enfants ont choisi d’apprendre un métier, l’un de mes fils est plâtrier. Dieu merci, je ne me plains pas. Même si cette année, les affaires vont moins bien, je ne sais pas pourquoi.
Les prix ont tellement augmenté, les gens ont moins d’argent…». Il est seize heures trente. Dans la rue Bab Marrakech, le flot des passants a augmenté. Les blocs de jben de Ba Abdelqader attisent leur appétit. Ils sont de plus en plus nombreux à s’arrêter. Le stock diminue régulièrement. On réalise à quel point l’étal du vieux marchand est connu et apprécié. La plupart de ses clients sont des habitués. Tel cet orfèvre qui rentre chez lui, revenant de sa boutique dans l’ancienne médina et qui s’arrête pour prendre sa ration quotidienne : «C’est pour mes enfants, ils en raffolent et avec le jben de Abdelqader, je n’ai rien à craindre.» De l’autre côté de la ruelle, sous le panneau de sens interdit, l’étal roulant de Hamid propose, en plus du jben présenté cette fois dans ces corbeilles en osier, des bouteilles de raïb. Lui, cela fait un an seulement qu’il s’est lancé dans la spécialité.
Hamid tient une petite laiterie près du marché de Bab Marrakech mais cela ne vaut pas l’achalandage de cette rue qui lui permet, tout comme à Abdelqader, d’écouler chaque jour de Ramadan une marchandise très demandée. Surtout ceux auxquels leur régime alimentaire interdit de manger salé…

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