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Littérature carcérale : la grande catharsis

© D.R

Qui d’entre nous ne connaît pas les souffrances vécues par les militants marocains des années 70 ? Aujourd’hui, le voile est levé sur ces années de plomb et les douleurs physiques et morales vécues par ces militants. En effet, le nombre de publications qui sont en vente et relatent les expériences carcérales marocaines augmente de plus en plus.
On dénombre à peu près quarante publications sur les détentions politiques. Parmi les ouvrages les plus connus de la littérature carcérale, figurent à titre d’exemple «Chroniques de la citadelle d’exil» de Abdelatif Laâbi, «Le Marié» de Salah El Ouadie, «Tazmamart cellule 10» d’Ahmed Merzouki, «La chambre noire» de Jaouad Mdidech, et la liste est longue.
Cette thématique des écrits de la détention a fait l’objet d’un colloque organisé le 21 et le 22 mai à Rabat par l’Instance Equité et Réconciliation. Les interventions de la deuxième journée de ce colloque ont porté sur «Les écrits de la détention politique du point de vue de la critique littéraire». L’intervenant, Abdeslam Ouazani, enseignant chercheur à l’Université Hassan II de Mohammédia a dressé une critique analytique sur la contrainte redoublée des auteurs de ces écrits carcéraux. Il existe en effet des contraintes qui pèsent sur les auteurs de la littérature carcérale, car ils sont tenus de restituer leur expérience en toute sincérité. Une tâche qui n’est pas des plus faciles. En effet selon M. Ouazani : «Ecrire ce genre de témoignage carcéral n’est pas une entreprise aisée et facile. Non seulement par ce que le sujet doit se souvenir de ce qu’il doit oublier mais encore parce que l’écriture de manière générale a ses présuppositions qui subordonnent le contenu à ses règles».
Une double contrainte qui se reflète sur les écrits. En effet, il est impossible pour un auteur d’être neutre, il traduit ses sentiments et doit être dans la mesure du possible sincère avec lui-même et avec le lecteur. Le discours carcéral a plusieurs spécificités. Grosso-modo, malgré la diversité des expériences carcérales vécues par les uns et les autres, il fait référence aux punitions arbitraires qui visent à anéantir petit à petit l’Homme incarcéré. Un anéantissement provoqué à l’aide d’une technologie et d’instruments appropriés.
Toujours selon M. Ouazzani «le discours du récit carcéral revient sur des scènes punitives similaires qui sont relatées par les témoins». Il s’agirait en fait d’une théâtralité punitive qui est une véritable mise en scène de la discipline punitive. Pour M. Ouazanni les principes de cette discipline punitive sont la clôture, la clandestinité et les châtiments. «Mais contrairement au théâtre qui est un jeu et qui a une fin,, la partie carcérale animée par la machine humaine dure aussi longtemps que le désire le pouvoir de l’arbitraire» ajoute Abddesslam Ouazzani. C’est un jeu sournois, malsain et injuste qui a pour objectif premier d’épuiser les prisonniers pour obtenir d’eux les informations qui leur est nécessaire.
Concernant le schéma narratif de ces écrits, il se compose généralement de trois parties. Qu’il s’agisse des auteurs de Tazmamart, de Derb Moulay Chérif ou de Bir Jedid, les témoignages sont élaborés suivant un triple schéma narratif. En effet, le récit débute par une description de la période d’avant la prison, pour aboutir enfin, au stade d’après la prison en passant par la période vévue au sein de la prison. De ce fait, le témoignage carcéral trace le parcours narratif de la descente aux enfers pour décrire le vécu de l’expérience avant d’être surmontée. Pour la période d’avant l’incarcération, le témoin décrit une période faite d’insouciance mais aussi d’espoir. Une fois à l’intérieur de la prison, le témoin décrit dans les détails les plus précis, l’expérience infernale faite d’injustices et de tortures. Enfin, le témoin décrit le retour sur terre. Un retour qui est loin d’être vécu normalement.
L’individu n’est plus libre, les mauvais souvenirs le hantent. Et comme le déclare Abdeslam Ouazzani:«Il n’est plus que l’ombre de lui-même».
Par ailleurs les écrits carcéraaux ont des cibles. Tout d’abord l’auteur cible le lecteur, il doit connaître exactement ce qui s’est passé, ne plus vivre dans l’ignorence et agir. Le lecteur a de ce fait un rôle important à jouer qui est celui de lutter contre ce genre de pratiques punitives arbitraires. La deuxième cible, ce sont les acteurs et les défenseurs des droits de l’Homme.
Ces derniers pourront à travers les écrits s’informer auprès des détenus pour connaître la vérité. Après coup, ils devront poursuivre et intensifier la lutte contre toutes les formes de non-respect des droits de l’Homme. Les intellectuels sont également une cible importante, ils ont pour rôle d’inciter à la réconciliation avec l’histoire et ce une fois les faits connus. Ils pourront également faire de ces écrits un instrument pédagogique et didactique pour apaiser la mémoire.
Enfin et on l’aura compris, les écrits de la détention ciblent les responsables concernés pour prendre les décisions préventives et correctives qui s’imposent. C’est-à-dire mettre fin à ces pratiques punitives arbitraires, inciter à la reconnaissance des faits comme seule base de coexistence et de réconciliation. Une mission qui incombe à l’instance Equité et Réconciliation. Mais l’essentiel dans tout cela c’est la naissance d’une prise de conscience collective car les écrits ne pourront pas à eux seuls résoudre tous les problèmes.

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