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Mohamed Aujjar : «La sécurité judiciaire nécessite un environnement judiciaire sain»

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ALM : Recadrant l’échelle des priorités nationales,  SM le Roi a donné la primeur à la justice dans son neuvième discours du Trône. Pourquoi la justice aujourd’hui ?
Mohamed Aujjar : Tous les experts nationaux et internationaux, les analystes d’ONG, d’ici et d’ailleurs, ont convergé sur l’extrême urgence de la réforme de la justice. L’appel royal vient rappeler aux élites marocaines cette réforme qui a tardé à venir par peur de l’engagement, par paresse intellectuelle, ou tout simplement par absence de projet de réforme chez les partis politiques. L’appel de SM le Roi Mohammed VI est à saluer, il arrive à un moment opportun pour inscrire cette réforme à la tête de l’agenda politique national. Ce qui m’inquiète, maintenant, est que le Maroc se contente de l’appel à la réforme et que cet appel devienne un slogan vide.  Beaucoup de réformes ont été annoncées, mais la dynamique de réforme n’a pas suivi sur le terrain. Je suis choqué de voir qu’après plusieurs jours du discours royal, aucune commission ne s’est réunie. Ce que les membres du gouvernement ont trouvé à faire, c’est de se précipiter vers les lieux de villégiature alors que la moindre des choses aurait été de réunir les commissions d’experts, et toutes les parties prenantes de cette problématique pour tracer les grandes lignes de cette réforme voulue par SM le Roi et attendue par le peuple marocain. Le comportement gouvernemental inquiète sur l’engagement réel et la volonté de réforme, d’autant plus que le retour des vacances va imposer d’autres priorités tels que le Ramadan, la rentrée scolaire … Il faut que les élites politiques marocaines, dans le processus de réhabilitation de l’action politique, prennent au sérieux le mot réforme parce que si le Souverain indique les grandes réformes, conduit la Nation vers ces réformes, la traduction des stratégies, des mécanismes et des logistiques de réformes est une action purement gouvernementale.

Que veut dire le concept « sécurité judiciaire », souligné par le Souverain ?
L’objectif d’un Etat de droit, comme le Royaume du Maroc, est d’asseoir des institutions démocratiques où l’exercice de la liberté se fait dans la compétition, le pluralisme et l’existence d’une justice professionnelle, crédible, transparente et indépendante. Chaque citoyen doit se sentir, quelle que soit sa situation matérielle, et sa position sociale, en sécurité dans son pays pour jouir de ses droits sans aucune crainte d’être lésé par une administration ou un citoyen se croyant puissant. La sécurité judiciaire nécessite un environnement judiciaire sain, où il n’y a pas de favoritisme, ni de corruption, où l’accès à la justice est garanti pour tous les citoyens. La sécurité judiciaire est un sentiment profond basé sur la quiétude et la confiance dans l’institution judiciaire. Et la pratique marocaine dans ce domaine est honorable tout au long de l’histoire.

Le système éducatif s’est révélé être chez nous le plus retentissant fiasco de l’histoire des ratages. Qu’est-ce qui empêche ce secteur de retrouver ses marques ?
La gestion et la conduite des réformes au Maroc constituent une grande problématique, pour ne pas dire que c’est un échec marocain. L’éducation est un grand chantier de réformes qui a été élaboré d’une manière consensuelle depuis la fameuse Cosef où tous les partis politiques étaient représentés. Cette réforme a consommé beaucoup d’idées et beaucoup de ministres. La grande question est pourquoi nous nous retrouvons devant un tel échec patent. Toute nouvelle réforme doit partir de cette question parce que si on n’y répond pas courageusement, on va reproduire les mêmes échecs. Le grand défi est d’essayer de répondre à une question simple : Pourquoi cette réforme attractive, au niveau des discours, n’arrive pas à mobiliser l’armée des enseignants ? Comment peut-on gagner une guerre pédagogique avec une armée démobilisée ? Les techno-structures en charge du dossier de la réforme ont toujours marginalisé l’élément humain. Et c’est là que le politique, au sens noble du terme, doit intervenir pour remplir ce déficit, mobiliser les enseignants et l’opinion publique. Le propre de la politique est de rendre la réforme de l’école une question qui concerne toutes les familles, tous les citoyens… Pourquoi, dans les premières années de l’Indépendance, malgré le peu de moyens dont disposait l’école, les instituteurs et les enseignants étaient plus engagés ; ils ont su produire les élites qui nous gouvernent aujourd’hui ? Avec tous les moyens dont on dispose maintenant, on n’arrive pas à réveiller les énergies … Et je suis plus choqué quand tous les partis politiques, lors des concertations pour la constitution de l’actuel gouvernement, ont fui le Département de l’Education nationale. Aucun parti ne voulait en assumer la responsabilité. Où est passé le courage politique ?

SM le Roi a appelé à la réhabilitation de la classe moyenne. Quel rôle peut jouer cette classe dans le Maroc d’aujourd’hui ?
L’appel royal est salutaire pour rappeler la nécessité de  l’épanouissement d’une nouvelle classe moyenne parce que toutes les stratégies gouvernementales, malgré leurs efforts, ont eu en commun un oubli majeur : la classe moyenne. Et il était temps de rappeler l’exécutif à l’ordre parce qu’il n’y a nul développement durable sans l’existence d’une classe moyenne, nul renforcement de démocratie sans cette classe. Aujourd’hui, on construit pour les pauvres et pour les riches. Il y a une politique de logement social et une politique de logement de luxe. Où va trouver la classe moyenne son logement, connaissant le niveau des salaires dans notre pays ? Où est l’encouragement fiscal à l’achat de la première voiture ?

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