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Nouvelles parutions : Des auteurs à découvrir

© D.R

«La Chambre»
Dans une chambre fermée, un enfant seul. Dans une chambre fermée à clé, un enfant silencieux, sans jouets, sans livres. La chambre est vaste : il peut marcher. Il marche du grand lit double au petit lit de camp, de la chaise rouge au tabouret de paille, de la belle commode jusqu’à la haute fenêtre. Mais par la fenêtre, on ne voit rien. Rien que des planches et des barreaux. Alors, l’enfant s’assied près du poêle, il se recouche dans le lit défait, serre contre lui son oreiller, il dort, il rêve… Dans la chambre jaune aux rideaux lourds, un petit garçon de huit ans attend qu’on vienne le chercher. Qui ? Il ne sait pas, il attend. Il attend sans faire de bruit. Les jours, les mois passent. Il est le roi de la chambre au papier fleuri : les dalles de pierre sont sa géographie, les mouches et les fourmis, ses amies, les gravures au mur, ses livres d’histoire. Il est sage. On l’a puni. Pourquoi ? Il ne sait pas. Il attend… Si « L’affaire Louis XVII » a fait couler des flots d’encre jusqu’à sa solution, en 2001, grâce à une analyse ADN, personne ne s’était jusqu’à présent penché sur la personne de «l’ enfant du Temple», sur ce que fut concrètement la vie tragique et brève du malheureux Dauphin, incarcéré à l’âge de 7 ans, arraché à sa famille, confiné jusqu’à sa mort à dix ans dans un isolement dramatique qui l’avait rendu presque autiste. Françoise Chandernagor a choisi de faire ici le portrait d’un petit garçon qui est aussi un otage, victime d’une situation qui le dépasse totalement. Un portrait psychologique de l’intérieur, où l’on assiste la gorge serrée au cauchemar de sa lente dégradation physique et intellectuelle, à la perte progressive de la notion du temps, de la mémoire, à l’oubli même de son nom.
Autour de lui gravite une foule de personnages qui peuplaient alors la prison du Temple, véritable petite ville dans la ville. Ainsi, au fil des pages, nous découvrons ce que fut la vie quotidienne, tantôt tragique et tantôt pittoresque, du peuple de Paris sous la Révolution. À travers les souffrances de cet enfant jamais jugé, jamais condamné, qui ne reste en prison que parce qu’« on » l’y a mis, on ne sait plus très bien par qui et pourquoi, en un temps où les têtes tombent de plus en plus vite, Françoise Chandernagor s’attache aussi à démontrer comment l’absurde le plus monstrueux peut se produire sans que personne ne tente de s’y opposer, comment des gens ordinaires, sans véritable méchanceté, peuvent laisser se perpétrer un crime à petit feu. Dénonciation par l’exemple de tous les totalitarismes et de tous les arbitraires, le roman est enfin métaphore du monde, cette chambre close où nous vivons sans l’avoir demandé et d’où nous ne sortirons qu’avec la mort. Le drame de cet enfant devient ainsi le drame de chacun de nous et, loin de s’effacer dans la brume du passé, son sort cruel nous concerne tous directement aujourd’hui encore ou, peut-être, plus que jamais.

«Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part»
Néophyte en écriture mais pas en parisianisme, l’auteur dévie élégamment de la ligne qu’elle trace dès les premières pages. Il suffit pour cela, – sacrilège ! – d’un téléphone mobile qui sonne dans un bar à vins du Ve arrondissement. Dès lors, tout est permis : ressentir, s’émouvoir au côté de personnages vite attachants. Il suffit de baisser la garde de nos lectures antérieures pour reconnaître une foule de détails forcément familiers : un canapé clic-clac qui ne veut pas se déplier en harmonie avec l’instant, un anniversaire surprise qui vire à la débâcle…Souvent, on rit : comment faire entrer un sanglier dans une Jaguar ?
Il n’y a pas de complaisance, mais seulement une dose exacte de réalisme qui ancre ces stéréotypes apparents dans une intimité commune. Ils deviennent objets de complicité, c’est ce qui fait qu’Anna Gavalda nous touche.
Il arrive même que l’on retourne, comme des armes, ces petites nouvelles acides contre soi, car elles posent des questions : la mort d’un être proche, la rancoeur envers un frère  » qui a toujours tout réussi  » nous parlent autant que les repères de notre vie quotidienne.
Enfin, les dernières pages, comme un retour narquois à la ligne directrice bafouée, nous renvoient à l’immense, la terrifiante, la sacro-sainte Maison d’Edition.
Cette fois, il n’est plus question d’un Paris intellectuel et élégant, mais de celui qu’Anna a vécu, et qui l’a symboliquement paralysée. Que l’auteur soit rassuré : nous attendrons ses prochains livres en librairie, et de pied ferme, encore !
« J’ai 38 ans et je vois bien que ma vie part en couilles » (p. 60). Douze nouvelles très parisiennes (l’argot) dont les cibles sont des petits-bourgeois attachés à leur confort. Le ton, souvent léger ou désinvolte, se gonfle parfois jusqu’à la dérision.

«Vingt ans et un jour»
Vingt ans et un jour est la peine que la justice franquiste réservait aux dirigeants politiques de l’opposition clandestine. Jorge Semprun nous offre, sous ce titre, le portrait intime d’une Espagne toujours meurtrie par la guerre, mais qui rêve d’avenir et de réconciliation. Plusieurs récits – plusieurs histoires – conduiront le lecteur à l’intérieur d’une surprenante nébuleuse romanesque et théâtrale où les apparences sont toujours trompeuses et où le narrateur même s’avance masqué.
Jorge Semprun, né à Madrid en décembre 1923, arrive en France avec sa famille en 1939, à la fin de la guerre d’Espagne. Membre du réseau de résistance Jean Marie Action, il est arrêté par la Gestapo en 1943, et envoyé au camp de concentration de Buchenwald. De retour à Paris en 1945, il coordonne à partir de 1953 les activités clandestines d’opposition au régime de Franco, au nom du Comité central du parti communiste espagnol. Exclu du parti en 1964, il se consacre à son travail d’écrivain et de scénariste.
Couronnée de nombreux prix littéraires, son oeuvre comprend notamment l’Autobiographie de Federico Sanchez, L’écriture ou la vie et Le mort qu’il faut. Jorge Semprun est élu à l’Académie Goncourt en 1996.

«Robert des noms propres»
Les tueurs ont des fragilités plus ou moins incompréhensibles.
Et l’on n’imagine pas l’influence du hoquet d’un foetus sur une fillette de dix-neuf ans enceinte, à fleur de peau ! A fortiori après huit heures d’insomnie. Ajoutez à cela une petite querelle sur le choix du prénom… et hop, voilà Lucette qui vide le chargeur d’un revolver sur la tempe de son mari endormi! Rien de tel pour faire disparaître le hoquet! Vite fait, bien fait…
D’ailleurs, tout file sur les chapeaux de roue dans ce nouvel opus d’Amélie Nothomb. Robert des noms propres est l’histoire de cette enfant née en prison, dont la mère a flingué sèchement le père avant de baptiser sa fille Plectrude et de se suicider dans sa cellule. Il y a mieux comme géniteurs ! Surtout quand par la suite on est recueilli par un oncle et une tante qui vous élèvent comme une princesse, à tort et à travers, avec qui tous les coups sont permis, les plus excentriques, les plus capricieux.
C’est là l’itinéraire d’une gamine hors norme, belle et farouche, rebelle et prodigieusement intelligente, cancre et douée à la fois, qui se voit danseuse et petit rat à l’Opéra, se nourrit des pages du dictionnaire Le Robert, sombre dans l’anorexie avant de connaître les révélations de sa naissance, de vivre avec « l’homme de sa vie » et de rencontrer… l’auteur ! Conduisant son récit avec légèreté et une distance ironique, Amélie Nothomb démontre bien encore (à raison d’un roman par an !) qu’elle possède le feu de l’écriture.
Pour un écrivain, il n’est pas de plus grande tentation que d’écrire la biographie de son assassin. Robert des noms propres : un titre de dictionnaire pour évoquer tous les noms qu’aura dits ma meurtrière avant de prononcer ma sentence. C’est la vie de celle qui me donne la mort.
Née en 1967 au Japon de parents belges, Amélie Nothomb vit entre Bruxelles et Paris. Elle a publié 10 romans chez Albin Michel. En 1992 «Hygiène de l’Assassin» lui assure d’emblée notoriété et popularité, en 1999 «Stupeur et tremblements» (Grand Prix de l’Académie française) la consacre comme écrivain majeur. «Métaphysique des tubes et Cosmétique de l’ennemi» ont confirmé sa renommée. Traduite en 30 langues, la publication au printemps 2001 de «Stupeur et tremblements» aux Etats-Unis a été un événement éditorial majeur.

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