Le gnaoui est aujourd’hui reconnu comme un genre musical majeur qui est entré en synergie avec plusieurs autres rythmes et cultures. Il donne ainsi la possibilité d’être vénéré, adulé et exécuté par des personnes provenant de différents horizons musicaux. Des airs qui touchent tout aussi l’amateur passionné que le néophyte exalté en passant par le simple curieux qui a entendu dire qu’Essaouira est devenue le temple par excellence des gnaoua. «Le gnaoui est devenu une référence musicale composée d’extraits originaux de chaque région, rares et significatifs selon le savoir-faire des percussionnistes et des vocalistes en grâce avec le verbe », indique Saïd Mouhafid, l’homme qui fait tout au sein du groupe. A l’instar de ce Gnaoui enraciné dans la culture africaine, «le blues reprend aussi des formes musicales orales et instrumentales qui mettent en exergue la tristesse séculaire des hommes et les coups durs du destin», renchérit Nabil Senhaji, le jazzman de Sahara blues.
Conscients de ce rapport effectif et affectif qu’entretiennent ces deux genres, les artistes du groupe, au nombre de huit, multiplient les interprétations pour peaufiner leur produit. Ces musiciens sont dirigés avec doigté par un ingénieur d’Etat en génie civil. Saïd Mouhafid, transformé en manager artistique pour la circonstance, préfère la discrétion d’un fondateur averti. Le Sahara blues a été constitué en 2005 pour répondre à un besoin de généralisation d’un patrimoine authentique. Faire du gnaoui une musique jouée le long de l’année est une motivation pour échapper à la bipolarité des deux festivals spécialisés dans ce type de créneau artistique. L’interprétation vocale est assumée à la perfection par un mâalam: Rachid Fadili. C’est un habitué des nuances symboliques que peut produire le Hajhouje (instrument de musique) bien ajusté et qui renvoie à tout ce qui est en relation avec des rythmiques envoûtantes et authentiques. Un mâalam au tempérament gnaoui, façonné par ses maîtres slaouis qui lui ont divulgué le secret des mots et des mélodies. Cela ne l’a pas empêché d’être attentif à toutes les contraintes de la scène. Son répertoire interprétatif fusionne avec des descentes dans des gammes enfuies dans la nuit des temps.
Ce mâalam est accompagné de sept musiciens. L’un deux, Mohammed El Mattad, est un guitariste soliste spécialisé dans le blues avec une qualité de taille au niveau de l’improvisation et de l’interprétation des autres styles. De son côté, Othmane El Benissi, à la batterie, est un polyvalent par éminence. Il est en mesure de faire vibrer tout un stade par la qualité de ses jeux au niveau de la percussion. Avec son souci de méticulosité, il fait sortir de sa batterie tout ce qu’elle peut cacher. Ce Rbati a bien su bénéficier des cours du conservatoire pour devenir attentif au moindre écho. Autre maillon de la chaîne : Othmane Rachidi, issu de Yacoub el Mansour, est un branché jusqu’aux tripes. C’est un bassiste spécialisé dans la musique funky. Une difficulté assumée à merveille par ce guitariste qui sait presque tout faire avec son instrument. Hicham Achtouk est lui aussi guitariste.
Il maîtrise un ensemble de genres et peut passer du latino au country tout en jouant le flamenco et le gnaoui fusion. Le rôle du pianiste claviste est assumé par un autre Slaoui : Nabil Senhaji. Il est l’inconditionnel du jazz et est en huitième année du conservatoire de Rabat. Son apport est majeur pour un groupe en quête de recoupement et de classification de toutes les thématiques abordées par le gnaoui. La chorale et les percussions à l’aide de «krakeb» revêt une importance capitale pour les vrais Gnaouis. Sahara blues fait appel au duo Mohamed et Brahim en tant que vocalistes aux mains créatives et qui peuvent avec des instruments rudimentaires transcender toute une foule en transe.
«Nous visons à donner à cette musique, qui commence à se frayer une place de choix, un nouveau souffle pour l’enjoliver avec de nouvelles influences habilement mixées», soulignent les autres membres du groupe. Maâlam Fadili estime, pour sa part, qu’«un auditoire attentif doit en même temps reconnaître notre musique avec sa spiritualité et la densité de ses cadences pour qu’il puisse saisir sa valeur ajoutée. C’est ce que nous appelons conférer au patrimoine une dimension moderne et apte à être assimilée par d’autres».