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Réforme Fiscale : le débat est lancé

© D.R

«Comment plumer l’oie sans la faire piailler ?» C’est en allusion à la célèbre  citation de Jean Baptiste Colbert, remarquable gestionnaire sous Louis XIV, que Moulay Hafid Elalamy a ouvert les débats de la  première édition mensuelle des «Petits Déjeuners de l’Excellence», organisée par Aujourd’hui Le Maroc. C’était mercredi 28 février 2007 à Casablanca.
Devant une assistance nombreuse d’hommes d’affaires venus d’horizons divers, le président de la CGEM a abordé le sujet du jour, à savoir «Comment faire de la fiscalité un levier de croissance», en revenant d’abord sur le rôle de l’impôt et sur le juste équilibre à trouver dans  un pays où 80% des recettes de l’impôt proviennent de seulement 200 entreprises: «il y a un équilibre juste qui d’une part récompense l’innovation et la prise de risque et, d’autre part, permet de financer le Budget de l’Etat». En d’autres termes, cet équilibre, «pas évident» comme l’a admis le patron des patrons, passe par une bonne pondération entre l’imposition sur le Revenu, le Capital et la Consommation. Une forte pression sur l’un ou l’autre de ces éléments tarit la source ou favorise la fraude fiscale «qui n’existe pas chez nous», ironise M. Elalamy.

Le juste équilibre

Ces impératifs fixés, l’invité du jour déroule les axes majeurs de la  vision de la CGEM. Il s’agit de réduire la pression fiscale en élargissant effectivement l’assiette. Ces propositions seront consignées dans un livre blanc (en cours de préparation).
La Confédération patronale vise deux objectifs. D’abord faire du Maroc un territoire plus compétitif. Puis créer d’avantage de richesses en réhabilitant les opérateurs. «Oui, nous voulons des opérateurs riches, pas pauvres et voués à disparaître. La seule chose que l’on demande c’est d’avoir des entreprises riches et citoyennes». Et M. Elalamy d’insister à l’adresse de ses pairs entrepreneurs fortement  présents dans la salle : «Et surtout n’oubliez pas d’être riche !».  Aux yeux du président de la CGEM, il est important dans la vie économique marocaine de n’avoir pas le complexe des entrepreneurs riches.
Concernant l’Impôt sur la Société, la réflexion est  engagée au sein du patronat. Il faut dire qu’avec un taux facial de 35% et un taux de 39,6% pour les établissements financiers, le Maroc ne constitue pas le bon exemple  en la matière. Ce taux s’éloigne des tendances de l’Europe de l’Est et de celle de l’Asie Centrale, où la moyenne est de 20%. La Bulgarie applique un taux de 15% contre 16% pour la Roumanie, 20% pour l’Algérie et 25% pour la Tunisie. Dans ce dernier pays, en plus du taux de 25%, les entreprises qui s’introduisent en Bourse bénéficient d’une forte décote.

La baisse progressive de l’impôt sur la socièté
Aussi, à la lumière de ces exemples de taux pratiqués par les pays concurrents, le patronat marocain souhaite voir progressivement l’application du taux de base de 20%. En parallèle, M. Elalamy préconise une fiscalité à taux réduit adaptée à la PME. «Car, explique-t-il, nous avons trois taux actuellement. Un 35%, un 39,6% et un 0%», dit en référence au secteur informel. «Il sera plus facile pour une PME de passer dans le formel en payant 10% que 35%».
Bien évidemment, il ne s’agit pas, reconnaît le président de la CGEM, d’aller dans la réforme à la va vite. «Il est important d’avoir des données, des benchmarking,  des études d’impact pour ne serait-ce que comprendre pourquoi des pays comme  l’Egypte ont augmenté l’assiette en baissant drastiquement les impôts». 

Une TVA complexe et peu productive
Dans son intervention, Moulay Hafid Elalamy  a aussi évoqué la complexité du régime de la TVA au Maroc, avec plusieurs taux (20%, 14%, 10% et 7%) et de nombreuses dérogations. Conséquence, la productivité de la taxe sur la valeur ajoutée dans le Royaume (0,31) est en deça de  la moyenne admise (0,4). Une réforme est en cours actuellement en coopération avec l’UE pour converger la TVA vers deux taux.
Ces différentes réformes doivent être menées avec l’Etat, dans un esprit de coopération : «nous ne devons pas nous observer en chien de faïence !», dira le président de la CGEM,  porteur d’une nouvelle méthode et d’un projet de repositionnement de la Confédération autour de ses missions premières.

Un débat riche
La salle qui a suivi de bout en bout l’intervention de Moulay Hafid Elalamy, modulée en vingt minutes, a massivement réagi. N’ y a-t-il pas intérêt à défendre l’idée d’un conseil national de l’impôt ? demande  Abdelkader Mesnaoui du cabinet Mesanaoui & Mazars. Une suggestion apparemment en phase avec la CGEM, désireuse d’un climat de dialogue et de concertation avec l’Etat et à travers lui, la direction des Impôts. 
Cette volonté d’instaurer le partenariat ne dépendra ni de la politique ni des élections, a tenu à assurer le patron des patrons, attaché à la vision de la CGEM en tant que syndicat des patrons et non acteur politique. «Des discussions seront engagées avec les syndicats et les partis politiques, mais nous devons au préalable finir nos travaux». Le  livre blanc qui sortira bientôt  sera donc la plate-forme de négociations de la CGEM.

Imposer les droits de succession et le patrimoine ?
Pour sa part, l’entrepreneur Fatellah Berrada, dans une démarche exploratoire, poussera la réflexion sur les droits de succession ou à tout le moins, sur l’impôt sur le patrimoine sans que cela ne soit pesant. Des suggestions qui ont provoqué des réactions en série de la part du corps notarial marocain, présent en force à ce rendez-vous. D’abord par Maître Hamou, vice président de la Chambre des notaires qui rappelle que le projet d’imposition des droits de succession avait été évoqué puis abandonné sous l’ère de Hassan II. Des propos étayés plus tard par le président de la Chambre des notaires du Maroc : «le droit de succession est une taxe très impopulaire à l’origine de la désagrégation de beaucoup de familles ailleurs. Au Maroc, un précepte religieux nous interdit de faire un impôt sur la mort».
Seul impôt existant aujourd’hui, une taxe de  0,5% sur l’inventaire lors de la mutation des biens.

Le SMIG devrait évoluer à terme
Les notaires pensent qu’une baisse au niveau des plus-values boosterait les transactions.
Plus social peut-être, Maître Terrab partira à la quête de la position du patronat sur l’augmentation du SMIG. «Nous en sommes conscient, lui répondra M. Elalamy, mais il y a des étapes importantes à franchir, notamment régler le problème des bas salaires imposés dans l’informel. A terme le SMIG devrait évoluer».
Au final, pense le patron de la CGEM, inspiré sans doute par la nouvelle fiscalisation frappant le leasing et la LOA, «la fiscalité doit évoluer et être prévisible et non appliquée par soubresauts». Et d’ajouter: «nous voulons de l’IS et de l’IR mais avec une visibilité dans les réformes». Des suggestions qui seront sûrement rappelées au  partenaire, la direction des Impôts, lors de la rencontre du 13 mars avec le patronat.
Sur la probable participation du PJD dans le gouvernement issu des élections de septembre 2007, question de  Omar Dahbi, rédacteur en chef d’ALM, il n’y a pas  de problèmes aux yeux du patron des patrons : «je crois à mon pays. Quand je vois l’engagement des Marocains dans le travail et leurs entreprises, je me dis qu’aucune dérive n’est possible!». Une conviction de la part de celui qui milite pour un patronat citoyen, payeur d’impôts, soucieux du bien-être de ses collaborateurs et riche. «J’ai le droit de rêver de voir un jour un million de millionnaires au Maroc !», lance-t-il,  en s’appropriant le rêve américain. Enthousiasmé par ce rêve, un ancien membre de la Confédération,  annoncera séance tenante sa réintégration en enchaînant aussitôt sur une revendication: «pourquoi il n’y a que le rêve américain ?».
La cause était entendue.L’organisation des  «Petits  Déjeuners de l’Excellence», trouve sa justification, explique Khalil Hachimi Idrissi, directeur de publication d’Aujourd’hui Le Maroc, dans la nécessité du débat et la modernisation des rapports sociaux. «Il n’y a pas de transition sans implication politique et économique», dira-t-il à l’ouverture de la séance.
Partant de cette nécessité du débat, le thème choisi, la fiscalité et croissance, coulait de source.

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