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Souvenirs de « Al-Tahrir » (11)

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Répression des résistants, complot contre l’UNFP. 1- Les fronts sur lesquels al-Tahrir devait livrer bataille L’UNFP se constitua, comme on le sait, des dirigeants, cadres et masses populaires de l’Intifada du 25 janvier 1959, auxquels s’ajoutaient l’aile de MM. Boutaleb et Bensouda du PDI, et un contingent issu du Mouvement populaire, avec à son tête le défunt résistant Abdallah Sanhagi. Ces deux derniers partis ne disposant cependant pas d’une large base populaire et ne comptant dans leurs rangs que peu de cadres, l’UNFP resta, en fin de compte, essentiellement constituée des cadres et masses populaires ayant proclamé leur indépendance vis-à-vis du Parti de l’Istiqlal. Aussi, la bataille livrée par al-Tahrir dès avant la fondation de l’UNFP restait-elle la même après : celle consistant à faire dace aux réactions des dirigeants de l’Istiqlal contre le Mouvement du 25 janvier, mais également à contrer les attaques des dirigeants de la Troisième force, ceux qui, ennemis de l’Istiqlal, avaient applaudi la sécession, croyant y voir les prémices de l’effondrement définitif du parti lui-même.
A leur grande surprise, l’UNFP s’avérera être une organisation unificatrice, non sécessionniste, capable d’intégrer les anciens cadres de l’Istiqlal, mais également tous les éléments extérieurs à ce parti, et pouvant se targuer d’un passé patriotique ou d’une participation à la résistance. Elle s’avérera être ainsi capable de couper l’herbe sous les pieds des leaders de la Troisième force, qui d’ailleurs avaient été derrière les attaques dont l’Istiqlal fit les frais durant les années 55, 56, 57 et 58, et qui avaient entamé une campagne en faveur d’une coalition non partisane autour du Trône. Là, les anciens adversaires de l’Istiqlal allaient s’apercevoir que le «danger» véritable provenait désormais non de ce parti, mais bien du successeur sorti de ses entrailles, et le dépassant en matière d’organisation comme en encadrement, en courage et en pensée : nous nommons l’UNFP. En prenant, dès l’Intifada du 25 janvier, la défense du gouvernement Ibrahim-gouvernement formé à l’origine comme étant «d’alternance» au sein de l’Istiqlal, ce qui en fait visait à démontrer l’échec de l’aile «radicale» de ce parti, à l’image de son aile «modérée», représentée par le gouvernement Balafrej- ce nouveau descendant de l’Istiqlal changeait en fait la donne. Non seulement il put vaincre la crise interne qui secouait le parti. Il sut également déjouer tous les plans et calculs qui visaient à couper les ailes à l’Istiqlal et à en réduire la puissance en vue de l’éliminer. Il fallait donc s’attaquer à ce nouvel ennemi qu’était devenu l’UNFP.
Seulement, les vieilles méthodes employées jadis pour combattre l’Istiqlal –tel l’attisement des sentiments tribaux contre «l’hégémonie fassie»- ne pouvaient plus être d’aucun secours. Ces vieilles méthodes qui avaient d’ailleurs montré, par le passé, combien elles pouvaient être dangereuses pour leur instigateurs aux-mêmes –comme le montrèrent la rébellion de Addi Oubihi et le soulèvement du Rif- ne pouvaient plus servir contre l’UNFP, parti dont les dirigeants centraux et locaux étaient issus de toutes les composantes du peuple marocain, du Sud au Rif, en passant par l’Atlas, sans parler des villes, impériales ou industrielles.
Il fallait donc inventer d’autres moyens pour faire face à l’UNFP. C’est ce qui fut fait, à deux niveaux notamment :
– au niveau populaire, l’on s’attaqua aux deux forces principales constituant le fer de lance de l’UNFP
–entendre les résistants et l’organisation syndicale (l’UMT)- en fomentant les troubles et en encourageant les scissions, employant à l’occasion les débris de l’Istiqlal lui-même.
– Au niveau de l’Etat, en activant, d’une part, le travail des appareils de «sûreté» et en variant leurs plans de fomentation de complots et leurs méthodes d’intimidation contre les leaders et autres éléments actifs de l’UNFP, et en entravant, d’autre part, le travail du gouvernement Ibrahim en faisant échouer ses plans économiques et en l’empêchant de réaliser les projets nationaux et populaires exprimés par ses slogans. Les fronts sur lesquels l’UNFP devait livrer bataille étaient donc définis :
– Soutenir le gouvernement, en s’opposant à l’appareil administratif –dont il fallait dénoncer les dérapages et effractions – et en mettant les masses populaires au fait des plans et projets gouvernementaux ;
– Préserver l’unité des résistants, soutenir leurs revendications et dénoncer les conditions tragiques dans lesquelles vivaient la plupart d’entre eux, en conséquence de la politique suivie par les gouvernements précédents : politique qui visait à dissoudre les rangs des résistants et à les liquider en tant que classe particulière ayant acquis une légitimité nationale à la hauteur du combat qu’elle avait livré pour l’indépendance du pays et le retour de son Roi légitime.
Cette classe avait en effet été en butte à nombre de complots et de machinations, dont notamment la formation –par les soins des dirigeants de l’Istiqlal- du fameux «Front Uni de la Résistance marocaine», réaction «sécessionniste» s’il en est visant à perturber les rangs de «L’Association de la résistance et de l’Armée de Libération», dont la présidence avait été confiée, en 1956, à Abderrahmane Youssoufi, ancien dirigeant de l’Armée de Libération;
– Prendre la défense des classes laborieuses face aux syndicats indépendants, constitués par l’Istiqlal dans le but de faire scission d’avec l’UMT, et qui prendront plus tard le nom de l’Union générale des travailleurs marocains (UGTM), fondée le 20 mars 1960 (l’UMT avait, elle, été fondée le même jour de l’année 1955).
– C’étaient là les trois fronts principaux sur lesquels al-Tahrir devait simultanément et quotidiennement livrer bataille : des batailles au cours desquelles l’UNFP, sa presse et ses sections allaient faire face à toutes sortes de répressions. Les textes que nous publions dans ce numéro reflètent véritablement, non la seule conscience de leur auteur, mais également celle de toute une époque, étant donné qu’en les écrivant leur auteur exprimait le point de vue des dirigeants autant que celui des masses populaires de l’UNFP. Dans ce numéro, nous évoquerons le seul front de la résistance, qui fut le plus chaud, et dans le cadre duquel eurent lieu les plus violentes campagnes de répression qui commencèrent avec l’arrestation de Baçri et Youssoufi le 15 décembre 1959, pour culminer avec la guerre totale à laquelle l’UNFP dut faire face à partir du 16 juillet 1963.

2- La résistance : un idéal et une révolution
C’est sous cet intitulé que je signai l’article qui va suivre, et que al-Tahrir publia le 18 juin 1959, à l’occasion de la Journée de la Résistance. D’aspect théorique au début, il n’en soumet pas moins la question de la résistance au Maroc à une critique objective et sans concession. En effet, du soulèvement réussi et puissant qu’elle avait été suite à l’exil de feu Mohammed V, la résistance s’était peu à peu transformée en une entité politique opportuniste comme les autres, faiblissant à mesure que le temps passait, pour aboutir, dès l’avènement de l’indépendance, à l’état de corruption et de dégradation que tout le monde connaît. L’Intifada du 25 janvier apparaissait alors comme un second soulèvement destiné à poursuivre la marche de la libération. Mais ce mouvement pouvait-il pour autant récupérer tout ce que la résistance avait consenti à perdre? L’article s’achevait sur cette mise en garde : «La révolution qui s’est déjà interrompue une fois pourrait encore le faire à plus d’une reprise si elle hésitait, tergiversait ou consentait au compromis, comme le mouvement de la résistance l’avait fait auparavant.»

• Par Mohammed Abed al-Jabri

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