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Souvenirs de « Al-Tahrir » (37)

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Les premiers gouvernements du Maroc indépendant « Mohammed V est le garant »

1- La troisième force et les négociations d’Aix-les-Bains
La complexité et la hâte qui marquèrent les conditions dans lesquelles se déroula le retour de Mohammed V au pays –retour flanqué d’une reconnaissance implicite de l’indépendance du Maroc- méritent sans doute d’être explicitées en premier. Mais pour saisir les données complexes de cet épisode, il sied de se remémorer les dernières étapes de la lutte nationale pour l’indépendance. La déposition, puis l’exil de Mohammed V le 20 août 1953, venaient parachever un long processus que les autorités françaises avaient entamé deux années auparavant, quand elles avaient entrepris de réprimer le Mouvement national –incarné par le Parti de l’Istiqlal- et de mettre en place une troisième force, formée essentiellement par des caïds féodaux, des leaders religieux (zaouïas) et des personnalités issues de l’intérieur même de la Maison du Makhzen. Cette troisième force avait pour mission d’exercer des pressions sur Mohammed V, afin de l’amener à rompre tout lien avec le Mouvement national, et à ratifier les dahirs que les autorités coloniales lui présentaient, concernant, d’une part, la persécution et la liquidation des dirigeants, cadres et militants du Parti de l’Istiqlal, et visant d’autre part à octroyer aux colons et ressortissants français, des droits –dont notamment celui de citoyenneté- que les dispositions prévues par le traité du protectorat ne leur accordaient point. Le monarque ayant refusé de se plier à leur volonté, les autorités coloniales l’accusèrent de s’être mis de connivence avec le Parti de l’Istiqlal, « parti des minorités citadines », « abandonnant ainsi la majorité –rurale- du peuple marocain ».
Il fallait s’attendre à ce que cela suscitât de violentes réactions parmi le peuple marocain. L’action politique n’étant plus d’aucune utilité, l’heure était désormais à la lutte armée. C’est ainsi qu’un mouvement de résistance armée naquit –sortant essentiellement du sein du Parti de l’Istiqlal- qui entreprit des liquidations dans les rangs des collaborateurs de l’administration coloniale au sein de la police et de l’appareil de l’Intérieur, avant de passer, dans une seconde étape, aux attaques contre les foyers mêmes de la présence française. Ce mouvement se transformera à la fin en une véritable armée de libération, qui trouvera un champ d’action dans les zones nord occupées par l’Espagne. Puis, avec une rapidité inattendue, des ponts seront dressés entre cette résistance armée et le FLN algérien, qui avait entamé sa lutte armée en novembre 1954, ainsi qu’avec le Mouvement national tunisien, qui venait d’en faire de même. Soumis à l’occupation française, le Maroc et la Tunisie conservaient cependant leur identité propre, en tant qu’entités distinctes de la puissance occupante. Ce n’était point le cas de l’Algérie, considérée par la France comme une partie intégrante de son territoire.
C’est pour couper court à une éventuelle fusion des trois Mouvements –fusion qui leur eût permis d’en former un seul, étendu et puissant, oeuvrant à la libération du Maghreb arabe tout entier- que le gouvernement français engagera des négociations avec les Tunisiens et les Marocains, afin de se consacrer entièrement à sa guerre contre la révolution algérienne.
Devant la montée de la résistance populaire et l’avancée inexorable de l’élan de libération qui envahissait le monde entier, les autorités françaises décideront d’accepter le retour de Mohammed V et le principe de l’indépendance du Maroc. Mais afin de ne point perdre totalement le contrôle de la situation, elles prendront soin de remodeler l’ancienne Troisième force, en l’adaptant aux nouvelles données, de manière à en faire le « rival nationaliste modéré » du Parti de l’Istiqlal, destiné à lui ravir sa place auprès de l’Institution monarchique. Cette « nouvelle » Troisième force sera imposée par la France comme partie prenante –au même titre que l’Istiqlal- aux négociations, et partant, comme partenaire incontournable dans les gouvernements du Maroc indépendant. Ainsi, Mohammed V serait redevable de son retour, non aux seuls efforts des patriotes, mais également à ceux des « modérés », et même des anciens adversaires du Roi (Glaoui et son mouvement), qui, proclamant leur « repentir », avaient rejoint le consensus national sur la nécessité du retour du Souverain légitime.
C’est sur la base de ces données que se dérouleront les négociations d’Aix-les-Bains, pour préparer le retour de Mohammed V et pour entreprendre la formation d’un gouvernement transitoire, chargé de gérer les relations entre la France et le Maroc, notamment la ratification du traité de l’indépendance.
Trente sept délégations différentes prendront part à ces négociations, dont celle du Parti de l’Istiqlal, présidée par feu Abderrahim Bouabid, les autres étant formées par le PDI et le reste des « constituants » de la fameuse Troisième force. L’Istiqlal signifiera bien son refus de voir ses représentants prendre place dans la même table que les autres parties conviées aux négociations ; mais il commettra surtout l’erreur de ne pas exiger la participation de la Résistance et des syndicats, pourtant incontestablement représentatifs. Cela peut s’expliquer par le fait que les dirigeants de la Résistance et de l’Armée de Libération –de même que Allal Fassi, qui restait en contact avec eux depuis son exil du caire- n’appréciaient pas la tournure que prenaient les événements.

• Par Mohammed Abed al-Jabri

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