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Souvenirs de « Al-Tahrir » (38)

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De leur côté, certains dirigeants de l’Istiqlal, d’ailleurs loin d’approuver les méthodes de la lutte armée, craignaient que le « parti » finît par tomber sous la domination de ces forces nouvelles –notamment la résistance et les syndicats- nées de son propre sein. A cela s’ajoutait le fait que les Français n’auraient certainement jamais accepté de négocier avec ceux qui avaient porté les armes contre eux. Plus encore, ils exigeront de la direction de l’Istiqlal, en tant que représentant de la Résistance et de l’Armée de Libération, d’intervenir pour faire cesser les « actes de violence » -entendre les actions de la Résistance et les attaques de l’Armée de Libération- comme condition primordiale à toute négociation. Les dirigeants de l’Istiqlal souscriront à cette demande, à condition, diront-ils, que les négociations aboutissent au retour de Mohammed V et à la reconnaissance de l’indépendance du pays. Une sorte de consensus historique s’établira alors, qui fera apparaître les négociations d’Aix-les-Bains comme s’étant déroulées dans un cadre réunissant « toutes les parties marocaines », alors qu’en fait elles avaient réuni uniquement l’aile libérale modérée du gouvernement français, et son équivalent au sein de la direction de l’Istiqlal. Réussite totale du point de vue de la mise en scène dramatique, ces négociations le furent-elles également au niveau de l’efficience politique ?
Les militants au sein du parti et de la Résistance –et avec eux le peuple marocain tout entier- vécurent un à un, en 1955-1956, tous les épisodes de cette mise en scène. Au fur et à mesure que le temps passait, un vaste mouvement de mécontentement commença à gagner peu à peu les rangs de ces organisations. Peu à peu, tous –militants sincères ou moins sincères, adversaires, et mêmes des éléments embrigadés pour brouiller les cartes- se mirent à faire endosser aux négociateurs d’Aix-les-Bains la responsabilité de ce qui advenait ; autrement dit, au Comité exécutif du -arti, qui avait accepté de négocier à partir d’une position de faiblesse, sous des conditions qu’il aurait fallu rejeter, ou qu’il eût été possible de changer pour peu que le Comité se fût allié à la Résistance et au Syndicat.
Comment le Comité réagit-il à ce mécontentement ?

2- Contraintes… au Maroc et en France !
Le Comité exécutif de l’Istiqlal n’ignorait certainement rien du tort que pouvaient causer au Parti ces manoeuvres, par lesquelles les Français visaient tout d’abord à limiter la liberté d’action des négociations patriotes, d’abord durant les pourparlers concernant le retour de Mohammed V, puis lors de ceux devant aboutir à la reconnaissance de l’indépendance du pays. Il n’est en effet que de considérer les choses du point de vue du Comité à cette époque, pour s’apercevoir qu’il se trouvait en butte à des contraintes dues en partie à la situation en France, mais également à celles qui prévalaient au Maroc et à l’intérieur du parti lui-même. Le gouvernement français subissait en effet les pressions des colons et autres tenants d’intérêts au Maroc, notamment les extrémistes et certains milieux militaires qui, tous, s’opposaient catégoriquement à l’idée du retour de Mohammed V. Outre le préjudice que cela portait selon eux à « l’honneur de la France », ce retour représentait une victoire du Parti de l’Istiqlal –ennemi juré des colons comme des militaires extrémistes- et équivalait, pour la France, à une trahison à l’égard de ses « amis » qui l’avaient soutenue dans sa guerre contre l’Istiqlal et contre Mohammed V. C’est pourquoi les Français proposeront à la délégation de l’Istiqlal d’accepter le principe de l’indépendance, mais en abandonnant l’idée du retour du Roi, jusqu’à ce que la Maroc eût eu le temps de s’organiser intérieurement sur une base constitutionnelle et démocratique, afin que la droite française et les colonialistes les plus endurcis n’y trouvent rien à redire. On proposera ainsi à Mohammed V de vivre en France « dans la liberté et la considération », et d’abandonner l’idée de réintégrer le trône du Maroc. Le roi rejettera l’offre.
Au Maroc, deux courants prévalaient. Le leader Allal Fassi, depuis son exil du Caire, estimait pour sa part que le meilleur moyen de contrer les pressions des colons et autres extrémistes français, était encore d’intensifier la lutte armée, d’oeuvrer à développer l’Armée de Libération et à renforcer ses capacités, et de resserrer davantage les liens de coordination avec la Révolution algérienne. A l’opposé, de nombreux membres du Comité exécutif à Rabat n’appréciaient pas la lutte armée, qui représentait à leurs yeux un « danger » pour le parti, c’est-à-dire pour ses vieux dirigeants. La situation intérieure du parti menaçait en effet de dégénérer à tout moment en un conflit dévastateur. Les Français, ainsi que leur créature, la fameuse troisième force, tablaient justement sur cette explosion. Quand le Comité exécutif accepta de prendre part aux négociations d’Aix-les-Bains, elle faillit d’ailleurs bien advenir –opposant ouvertement la direction conservatrice du Parti à la Résistance et au Syndicat (l’UMT)- si la Martyr mahdi n’était intervenu, rétablissant les ponts entre l’aile de la Résistance et du Syndicat, et celle formée par la délégation du parti aux négociations, délégation que présidait feu Abderrahim Bouabid. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus en détail dans le numéro consacré au martyr.

• Par Mohammed Abed al-Jabri

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