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Souvenirs de « Al-Tahrir » (9)

© D.R

Al-Raï al-Am. Ces souvenirs de al-Tahrir et des amitiés et sympathies muettes avec les flics nous ont ainsi conduit à des digressions qui, à notre sens, trouvent leur justification en le sujet même de ce numéro. Nous estimons en effet que ce genre de « contes » ne peut que rendre plus assimilable à notre lecteur ce qu’il parcourra après ce préambule. Nous tenons également, avant que de le clore, à relater quelques autres souvenirs, relatifs, eux, au quotidien al-Raï al-Am, qui devait remplacer al-Tahrir – seulement par le nom, étant donné que le contenu restait le même.
Le 15 décembre 1959, Mohamed Baçri, directeur du journal, ainsi qu’Abderrahmane Youssoufi, son rédacteur en chef, furent arrêtés dans des conditions que nous aurons plus loin l’occasion d’expliciter. Le jour suivant, le 16 du même mois, paraissait al-Raï al-Am. L’imprimerie, les locaux, les rédacteurs, les ouvriers, étaient les mêmes. Seuls changeaient le nom du journal et celui du directeur. La suspension de al-Tahrir –qui devait durer jusqu’à la fermeture pure et simple- avait commencé les 4 et 5 décembre 1959, pour reprendre les 13 et 14 du même mois. A l’arrestation de Baçri et Youssoufi, le 15, la police décréta que l’impression du journal devait être suspendue jusqu’à nouvel ordre. Nous savions pour notre part, depuis la première saisie déjà, que la décision de déclarer la guerre ouverte à l’UNFP et à al-Tahrir venait d’être prise. Aussi, avions-nous eu le soin d’anticiper en prenant les dispositions nécessaires pour que le journal pût continuer à paraître.
Deux choix s’offraient à nous : publier un journal sous le nom al-Kifah, en vertu d’une autorisation obtenue à ce nom-là longtemps auparavant, par un des premiers rédacteurs de al-Tahrir, en prévision de pareilles circonstances ; ou bien, continuer la publication de Raï al-Am, dont le directeur, M. Ahmed Bensouda, ancien dirigeant de PDI, était, depuis le 6 septembre –jour de fondation de l’UNFP- membre du Secrétariat général de cette dernière, au même titre que M. Abdelhadi Boutaleb. Cette seconde solution paraissait la plus adéquate. Elle sera finalement adoptée. En effet, après l’arrestation de Baçri et Youssoufi, il ne restait plus en liberté parmi les membres influents du secrétariat général que Bensouda et Boutaleb. Mahdi était à l’étranger, Abderrahim Bouabid et Abdallah Ibrahim, tous deux dans le gouvernement, n’étaient pas officiellement membres du secrétariat de l’UNFP.
Al-Raï al-Am parut donc, avec les mêmes articles qu’aurait publiés al-Tahrir s’il n’avait été suspendu. S’y ajoutaient évidemment des manchettes et commentaires relatifs à l’arrestation des deux dirigeants.
C’est ainsi que la direction de l’UNFP et de sa presse échut à Boutaleb et Bensouda. Il sied de souligner à ce propos que les deux hommes s’acquittèrent très honorablement de leur tâche, assumant entièrement leurs responsabilités sur les deux plans, conduisant notamment la compagne électorale pour les municipales et communales, où l’UNFP devait remporter la majorité des sièges dans la plupart des grandes villes et centres importants.
L’arrestation de Baçri et Youssoufi avait été un défi lancé à la face de l’UNFP et de ses militants : défi que le parti et ses masses populaires surent relever avec succès, faisant montre d’une capacité de mobilisation qui étonna leurs adversaires. Cette mobilisation des masses populaires et des cadres militants allait fournir un précieux soutien à MM. Bensouda et Boutaleb, propulsés tous deux au rang de leaders nationaux, rôle qu’ils assumeront, nous l’avons dit, très honorablement. Les positions exprimées par M. Boutaleb au nom de l’UNFP –autant à propos de la revendication d’une assemblée constituante, que lorsqu’on lui proposera de participer au nouveau gouvernement formé après la révocation de celui d’Ibrahim- forceront l’admiration et le respect de tous. Nous aurons l’occasion d’évoquer cet épisode dans le numéro 4 consacré à la question démocratique.
Concernant la presse du parti, le directeur de al-Raï al-Am, M. Ahmed Bensouda, était toujours présent à nos côté, dans les locaux du journal, grand frère et responsable supervisant et assumant ce qui se publiait. Inutile de préciser que nous écrivons exactement comme du temps de al-Tahrir. M. Boutaleb, pour n’être pas toujours présent parmi nous, nous rendait de temps à autre des visites d’un genre tout particulier : il faisait son entrée au siège du journal, un article ou un commentaire à la main, ou allait directement s’asseoir au bureau du secrétaire de rédaction pour en rédiger un.
Je dois signaler à ce propos que durant la période de parution de al-Raï al Am – du 16 décembre 1959, au 24 novembre 1960, jour où nous reçûmes de son directeur l’ordre d’en suspendre l’impression – nous nous acquittâmes de notre tâche, feu Bahi, moi-même et le reste des rédacteurs, avec le même enthousiasme, la même force et la même vigueur d’expression. Jamais M. Bensouda n’exprima de réserve à ce propos, bien au contraire, il approuvait tout ce que nous écrivions. Les rares fois qu’il lui arrivait de faire une remarque sur quelque mot ou expression, nous prenions, feu Bahi et moi, des positions opposées, l’un abondant dans le sens de la remarque, l’autre s’en tenant à la formulation originale. Ce n’était cependant point par amour de la polémique que nous agissions ainsi, mais bel et bien par souci de défendre une position d’ailleurs toujours justifiée.

• Par Mohammed Abed al-Jabri

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