«As-tu la somme?, demande Moutachawiq par téléphone au père adoptif de Mohamed Cheddadi.
– Oui, les 15.000 dirhams sont déjà rangés dans le sac et j’attendais ton appel.
– Bon, tu nous attendras près du bureau de tabac qui se situe juste à côté de la station d’essence donnant sur la route de Médiouna».
Moutachawiq fixe le lieu et l’heure. Abdellah doit obtempérer. La vie de son enfant est entre les mains d’un monstre, qui ne craint rien et pour qui la vie des autres n’a pas de valeur.
Ce 28 octobre 1977 à 21h, Moutachawiq guette de loin. Il ne voit personne. Il s’adresse à un commerçant, lui demandant l’appareil téléphonique (parce qu’à l’époque il n’y avait ni publiphone, ni téléphone cellulaire), Il téléphone à Abdellah pour lui dire de ne plus perdre de temps…
– «Ou bien je vais t’envoyer d’ici une heure ton fils corps sans âme», le menace-t-il.
Abdellah lui répond que sa femme l’attend déjà sur les lieux. Moutachawiq raccroche et retourne sur le lieu où il mène la surveillance. Effectivement, il remarque, de loin, une femme en djellaba bleue, qui l’attend. C’est Aïcha. Moutachawiq demande à l’enfant, Abdelkader, de rejoindre la femme.
– «Je viens de la part de Mustapha Moutachawiq», balbutie l’enfant Abdelkader alors qu’il vient de se tenir devant Aïcha.Une fois après avoir entendu ce nom, elle lui jette le sac et part sans demander d’explication. L’enfant le remet à Moutachawiq et disparaît après avoir empoché le billet de dix dirhams. Moutachawiq retourne chez lui, s’approvisionne en vin rouge, passe la nuit… et d’autres nuits en compagnie de son acolyte et amant, Bouchaïb. Il ne pense à rien. L’argent est dans sa poche et son amant avec lequel il partage le même lit est à ses côtés. Il n’a plus besoin, au moins à ce moment-là, d’agresser les fillettes pour les délester de leurs bijoux. Il sort et rentre chez lui librement sans être inquiété par la police.
Mi-novembre 1977. Moutachawiq et Zinani rencontrent deux voyous. Ils se familiarisent. Moutachawiq les invite à boire. C’est lui qui paie. Dans un coin du quartier Ben J’dia, ils se soûlent. Un malentendu l’oppose à l’un des deux voyous. Les injures cèdent la place aux mains. Ni Bouchaïb, ni l’ami du voyou n’interviennent. Ils restent face-à-face. D’un coup de poing à l’autre. Le sang coule de leurs visages. Moutachawiq s’effondre. Le voyou lui donne des coups de pied. Bouchaïb tente le défendre. L’autre voyou l’empêche. Mustapha n’a plus de force. Il ne peut plus se tenir sur ses deux pieds. Après, les deux voyous partent. C’est la première fois de sa vie que Moutachawiq est battu. Étrange! Celui qui a tué de sang-froid et sans pitié cinq enfants et deux jeunes hommes, vient d’être tabassé par un voyou lors d’une simple bagarre! Moutachawiq ne croit pas cette réalité. L’image de ce voyou le hante jour et nuit. Comment ce monstre, horrible, cruel, recherché et meurtrier est vaincu par un simple voyou ? Moutachawiq n’a jamais imaginé cette situation. Il croit toujours être le plus fort, le plus puissant et le plus violent. Seulement, le voyou lui confirme le contraire.
– «Je ne peux pas lui pardonner. Je vais me venger», décide-t-il.
Mais, Moutachawiq n’est pas pressé pour se venger. Car, il sait que la vengeance est un plat qui se mange froid. Il se lance à sa recherche.Deux jours plus tard, il le rencontre.
– «Non, ne t’en fait pas. Cela arrive entre amis. En plus, nous étions sous l’effet de l’alcool», rassure-t-il le voyou. Après une brève conversation, ils se mettent d’accord pour se rencontrer la veille du Nouvel an 1978.
(Demain : Mustapha Moutachawiq se vengera-t-il du voyou ?).