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Un destin miraculeux (15)

© D.R

Ce qui importe, au niveau de l’écriture, ce n’est donc pas tant en soi l’union avec le sens – celle-ci est au-delà de l’écriture, elle est du domaine de l’indescriptible – mais plutôt le parcours suivi qui, lui, peut être communiqué par le moyen du langage.
Tout se passe comme si le mystique, reprenant la parole de Victo Hugo : « Poètes, voici la loi mystérieuse : aller au-delà », l’appliquait comme Baudelaire : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». Pour purifier l’extérieur, l’homme doit d’abord entrer dans les régions de l’étrange et du merveilleux, dans le monde de l’inconnu, et en faire l’expérience. Je dis « expérience » car il ne s’agit pas là d’une simple représentation ou d’un prophétisme quelconque, mais d’un travail et d’une pratique constante qui sont, en droit, accessibles à tous et permettent à tout homme qui le désire d’atteindre ces sphères.
Toutefois, y entrer exige le dépassement du monde extérieur, des conditions qui lui sont attachées, qui asservissent l’Homme et menacent de l’anéantir. Pour que nous puissions entrer dans la vraie vie de ces sphères, le monde extérieur doit en quelque sorte «mourir». Il s’agit, en réalité, de la mise à mort des habitudes, de l’immobilisme, de la langue courante figée et inerte. En ce sens, l’existence vraie n’est pas de l’ordre de la réalité effective, mais potentielle, et la poésie de cette mystique ne concerne pas le réel mais le possible.
Le dépassement, la destruction du monde tel qu’il est, ne sont pas un but en soi mais une étape préparatoire. Le point suprême, la clarification absolue de l’être, n’est pas une limite à atteindre mais le sommet d’un chemin infini ; aussi cette étape, bien que préparatoire, est-elle toujours à renouveler.
L’expérience mystique interdit à l’Homme de se contenter des solutions qui n’engagent pas les profondeurs de l’être, ou ne l’aident pas à en éclaircir le contenu – lequel nécessite une perpétuelle clarification. Le mysticisme nous invite à franchir nos propres limites, dans l’espoir que jaillissent en nous les formes toujours nouvelles de l’inconnu. En même temps, le mysticisme nous plonge à l’intérieur d’une langue qui est éternel lieu d’une éternelle interrogation, dont la réponse n’est jamais définitive. Dès lors, la vie et la pensée s’installent dans une vitalité et un désir permanents de recherche et d’exploration.
Il faut savoir que le mysticisme arabe fut une véritable explosion culturelle au sein de la société islamique. Il provoqua les scissions les plus violentes, aussi bien dans les domaines de la pensée et du langage que dans le champ de l’expérience concrète.
C’est ainsi qu’il arracha la pensée arabe à son habitude d’étudier la jurisprudence (le fiqh) et la Charî’a. Il arracha à l’étroitesse de ses sentiers ordinaires et la projeta vers un horizon plus vaste: un horizon où il est permis à la raison aussi bien de traiter des questions les plus abstraites que des détails les plus infimes, d’en ébranler sans cesse les fondements et de la reconstruire toujours sur des bases nouvelles, en un mouvement libre et sans limites.

• «Adonis le visionnaire»,
Michel Camus, Edition du Rocher, 14,94 euros

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