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Un destin miraculeux (17)

© D.R

Ainsi, dans l’expérience mystique, la poésie n’est plus « littérature » au sens banal du terme, mais interrogation sur l’essence humaine et sur l’existence, et aussi désir de changer l’image convenue du monde. La poésie est reconstruction de l’homme et de l’existence ; elle est transfert, transport, c’est-à-dire métaphore, dépassement et changement.
Au niveau de l’expression poétique de mystique, le rêve, le délire et la folie ne sont que des moyens : un ensemble de langues contenues dans la langue et destinées à dévoiler de manière plus profonde, plus riche et plus globale, l’homme et l’existence. En tant que moyens de découverte, ces langues aident à percevoir les vérités qui demeurent inaccessibles à la logique ou à la raison.
La raison n’atteint jamais que le seul concret ou le seul abstrait ; les images qu’elle engendre, dissociant le visible de l’invisible, sont par conséquent froides.
Les images métaphoriques que découvre la mystique, elles, unissent le concret à l’abstrait, l’apparent au caché, le connu à l’inconnu. Ces images ne sont donc pas un fragment isolé pris dans une phrase ou une expression. Elles font partie de la langue elle-même entendue comme un tout. Elles n’ont pas de fonction décorative, ne découlent pas d’un désir d’ornementation, n’ont pas pour but de persuader ou d’inciter – toutes intentions qui se tiennent à la surface du réel.
Ces images sont une partie organique du macrocosme lui-même, elles ne peuvent être détachées des personnes, des lieux, des événements, des actes et ne les traduisent pas de l’extérieur, ne les décrivent pas. Elles se rattachent au symbole et au mythe, par leur trajet à la fois descendant et ascendant entre Dieu et l’homme, entre le réel invisible et le réel visible.
C’est pourquoi elles sont chargées de rêve et porteuses de tous les éléments de l’irrationnel: la magie, le délire, la folie, la divagation et l’extase.
Dans l’expérience mystique, l’invisible inconnu est la profondeur même : il est l’origine. Car l’être ne se limite pas à la surface : on ne saurait s’en tenir à la peau du monde. L’être est prolongement infini, à la fois vertical, en profondeur, et horizontal, horizon infini. La valeur de l’expression langagière réside dans son aptitude à dévoiler à la fois ce prolongement et ces multiples rapports organiques dans le monde, et aussi dans sa capacité à révéler l’étendue de l’infini à l’intérieur même de l’homme.
Ce perpétuel mouvement de découverte de l’infini suppose une destruction continue des formes, ou plutôt implique que l’on ne saurait s’installer durablement dans aucune forme définie. Dans ce mouvement, la forme est pareille à l’image : elle est pure création et ne saurait se fabriquer artificiellement. Elle n’est ni habit, ni couverture, ni récipient ; elle n’est nulle forme imposée de l’extérieur : elle est pur espace. Elle est le mouvement même et l’ordre de nos pensées, la structure des rapports entre les mots, et non un moule préétabli où ils devraient se couler.

• «Adonis le visionnaire»,
Michel Camus, Edition du Rocher, 14,94 euros

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