ALM : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Zakia Tahiri : On s’est rencontré à Paris en 1992, cela fait 17 ans. Il m’avait appelée pour que je travaille sur son premier long-métrage «Crime». Il cherchait une directrice de casting. J’étais absolument bouleversée quand je l’ai vu. Je ne sais pas pourquoi. En tout cas, quelque chose a changé au moment où je l’ai rencontré, c’est clair. Et j’ai senti que tout était possible ensemble. C’était comme deux forces tout d’un coup réunies, ou deux faiblesses. Et on a commencé à travailler ensemble. Et au fil du temps, on s’est rendu compte qu’on avait beaucoup de choses à partager.
Quelles sont les qualités de votre époux ?
Il m’a toujours obligée à dépasser mes limites, c’est quelqu’un d’une grande exigence, ce qui peut être assez pénible au quotidien d’ailleurs, mais qui est toujours constructive. C’est aussi un grand travailleur, mais sa grande qualité est d’être détaché du matériel et de ne pas avoir peur de prendre des risques. Parce que pour faire un film aujourd’hui et le produire, c’est prendre beaucoup de risques. Déjà, il y a une très grande part de risque artistique puisque tu t’exposes à dire ce que tu penses, à montrer ce que tu sais faire, et ce à beaucoup de monde. L’histoire ne t’appartient plus. C’est le public qui la juge et il peut être cruel.
Comment qualifierez-vous votre couple ?
On n’est pas du tout un couple traditionnel. On fait tout ensemble, on partage les tâches, Ahmed cuisine très bien et moi je suis très forte en ménage, je suis la «Number one» du ménage (rire). On est très différents, mais on est très complémentaire. On est comme une roue qui tourne et l’un emporte l’autre.
Quelle place occupe votre métier dans votre vie de couple ?
Il n’y a aucune séparation entre notre vie de couple et notre métier. Je ne sais pas si c’est une qualité ou un défaut. Que le cinéma envahisse notre vie, cela aurait pu être dure pour notre fille. Ce qui est génial, c’est qu’elle a 13 ans, elle a une belle culture cinématographique, et elle a un vrai point de vue sur les choses, et de temps en temps elle assiste à ce que d’autres appelleraient des réunions de travail, mais en fait, on les fait à n’importe quel moment, à midi, le matin, le soir, avant de se coucher. Et il lui arrive d’ intervenir dans les discussions, on lui demande son avis, on sent que cela l’intéresse.
Aimeriez-vous faire un film inspiré de votre vie de couple ?
Moi, j’aimerais beaucoup, mais on n’a pas assez de recul, peut-être un jour quand on sera très vieux tous les deux «Inchallah». Parce que vieillir ensemble, c’est tout ce qu’on peut souhaiter quand on est un couple. Pour moi l’image du bonheur, c’est d’être tous les deux sur un banc, main dans la main à regarder les gens passer et se parler à l’oreille, continuer à se parler, être des petits vieux mais encore plein de rêves, et de voir nos petits-enfants courir…
Quel bilan faites-vous de votre dernier film «Number One»
Sous ses airs de comédie, «Number One» raconte quand même des choses essentielles de la vie, du rapport homme-femme. C’est un énorme travail entre le moment où tu es tout seul dans ton coin à écrire, rêver de choses et celui où tu matérialises ton film. Parce qu’il faut se donner les moyens de tout arrêter et d’écrire, de trouver le financement de le sortir de la bonne manière, etc. Donc j’ai l’impression que tous ces sacrifices ont été récompensés parce que le public marocain a répondu présent.
Il y a aussi une universalité dans «Number one». La sortie en France est très importante pour nous, le 23 septembre. C’est important que les films dépassent les frontières. Et il nous reste encore un grand travail à faire là-dessus au Maroc, de manière générale, pour avoir une place à l’étranger. Les festivals c’est très bien, mais il faut que les films soient rentables à un moment.