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Claudio Bravo : Le plus marocain des peintres étrangers

© D.R

Dans quelques semaines, le monde de l’art chilien et mondial s’apprête à commémorer les sept ans de la disparition du peintre Claudio Bravo (1936-2011). Enterré à Taroudant, cet artiste chilien de renommée internationale a choisi, très tôt, de vivre et de peindre le Maroc authentique.

Qualifié par certains de «moine laïc» ou d’«aristocrate solitaire», et par d’autres de «perfectionniste», voire de «maniaque», Claudio Bravo était en fait un peu de tout ça, mais il était avant tout un peintre de renommée mondiale doté d’un don artistique exceptionnel.

Cet artiste-peintre est né en novembre 1936 dans une famille d’agriculteurs et a passé une grande partie de son enfance dans la zone rurale de Melipilla au Chili (à environ 80 km à l’ouest de la capitale Santiago), ses premiers dessins réalisés à l’âge de onze ans révèlent déjà une grande vocation artistique. Et il n’a que dix-sept ans lorsqu’il expose pour la première fois dans une galerie d’art de Santiago. Ce fut en 1954.

Tout cela s’est passé, bien évidemment, avant son immigration en Espagne, avant sa rencontre avec le Maroc et son amour pour notre pays et bien avant qu’il ne soit devenu le Claudio Bravo que tout le monde connaît et adule.Au début des années 1960, il s’installe en Espagne où il étudie à Madrid, pendant une dizaine d’années, les chefs-d’œuvre des grands maîtres exposés dans le fameux musée du Prado et qui l’ont d’ailleurs énormément influencé. Il vit grâce à la réalisation de portraits des grandes personnalités politiques et artistiques, notamment les membres de la famille du Général Franco.

En 1970, ses œuvres sont exposées pour la première fois à New York, à la galerie Staempfli. Deux ans plus tard, ce peintre chilien fuyant les villes trépidantes d’Europe débarque à Tanger. Cet artisan pointilleux dont l’unique principe est le travail minutieux et la persévérance est tombé amoureux du Maroc. Il déplie bagages, toiles et pinceaux dans cette ville ouverte sur la mer, dans une maison du quartier de Marchane. Une propriété nichée dans une forêt tropicale de 3 hectares, qui a été construite à une époque où se rendre à Tanger depuis l’Europe constituait encore une expédition.

Claudio Bravo y a séjourné et travaillé pendant de nombreuses années, sa propriété regorge d’œuvres et d’objets artisanaux, pour certains immortalisés dans ses toiles. A cette époque Tanger était le lieu de prédilection de la «beat generation» américaine. Bravo y a côtoyé beaucoup d’artistes, tels que l’écrivain Paul Bowles et le peintre Francis Bacon, mais il y a surtout trouvé de l’inspiration, il était totalement fasciné par la lumière dorée de cette ville méditerranéenne, par ses couleurs, par ses habitants… Inspiré par le Maroc et les Marocains et guidé par son obsession de représenter le monde tel qu’il est, il va les peindre à sa façon, c’est-à-dire d’une manière «hyperréaliste».

C’est ce que nous confirme d’ailleur le diplomate marocain et grand connaisseur de l’Amérique latine Zakaria Balga, dans un ouvrage nouvellement publié en espagnol sur Claudio Bravo et ses liens viscéraux avec le Royaume intitulé : «Claudio Bravo : un legado para Chile y Marruecos».

Pour Balga, «bien qu’il ait été un artiste universel, Claudio Bravo s’est toujours considéré comme un artiste-peintre marocain, notamment vers la fin de sa vie». Et d’ajouter : «Il a été impressionné et fasciné par la beauté du Maroc, la splendeur de ses couleurs et la sublimation de sa lumière. Mais c’est surtout le côté spirituel qu’il a le plus marqué dans son pays d’adoption. D’ailleurs, ses œuvres reflètent parfaitement cette influence».

En effet, Bravo peint merveilleusement bien le Maroc : ses céramiques et ses tapis, ses modèles sont des hommes et des femmes qu’il met en scène. Ses toiles se vendent à plusieurs centaines de milliers de dollars. Un succès planétaire s’ouvre devant lui. Plusieurs années plus tard et plus précisément en 2008, c’est dans le désert, au pied des montagnes de l’Atlas, à Taroudant que le peintre chilien le plus reconnu mondialement a élu domicile.

Sa résidence principale, un grand palais de 7 hectares, a été conçue par lui-même et réalisée par des artisans marocains, une vraie forteresse où la culture de l’olivier et l’élevage des chevaux de race arabe rimaient avec art et peinture. Ce passionné du travail qui redoute le vide y a séjourné et travaillé pendant de nombreux mois réalisant ses plus prestigieuses œuvres, il s’est toujours dit émerveillé et fasciné «par la composition des choses», la lumière, les couleurs, les animaux et les habitants l’ont inspiré pendant très longtemps.

Ses toiles dans lesquelles il passe avec aisance du portrait à la nature morte ont fait le tour de diverses galeries d’art à travers le monde, certaines d’entre elles font partie de musées prestigieux aux Etats-Unis. Elles reflètent agréablement son attachement au Maroc qui l’a accueilli les bras ouverts et qui a su lui procurer l’inspiration spirituelle et artistique dont il a tant parlé.

Cet artiste chilien a littéralement trouvé au Maroc sa seconde patrie et dans Taroudant sa demeure éternelle. Il s’est éteint le 4 juin 2011 dans cette même ville et y a été enterré laissant derrière lui des propriétés qu’il a généreusement cédées à certains de ses plus fidèles employés marocains. Ils les ont transformées en musée pour celle de Taroudant et en maison d’hôtes pour celle de Tanger.

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«Claudio Bravo n’est jamais tombé dans l’orientalisme»

Trois questions à Zakaria Balga, diplomate et écrivain marocain

Comment vous est venue l’idée d’écrire ce livre sur Claudio Bravo?

L’idée m’est venue après mon affectation au Chili où j’ai remarqué que Claudio Bravo, l’un des plus grands artistes latino-américains, est étroitement associé au Maroc, notamment dans les milieux intellectuels. D’ailleurs, des Chiliens m’ont avoué qu’ils ont connu et parfois voyagé dans mon pays après avoir découvert les œuvres et la vie de Claudio Bravo. Je voulais donc rendre un hommage à ce grand amoureux du Maroc, qu’il a choisi pour son repos éternel.  

Les œuvres qu’il a laissées au Maroc après sa mort peuvent-elles être considérées comme un patrimoine marocain?

Bien sûr, aucun artiste étranger comme Bravo n’a réussi à capturer l’âme du Maroc et sa magie. Ses œuvres reflètent très bien sa richesse picturale et sa beauté. Il a transmis, avec beaucoup d’amour et de tendresse, les scènes de la vie quotidienne du pays, et ses paysages, sans jamais tomber dans l’orientalisme. Sans le Maroc, Bravo n’aura pas connu cette carrière artistique exceptionnelle. «Ici, au Maroc, confiait-t-il un jour, j’ai pu développer une palette peut-être égale en audace à celle des plus grands coloristes de l’histoire de l’art».

Que faire alors pour préserver ses œuvres à l’intérieur du Maroc ?

La création d’une fondation portant son nom est une tâche primordiale. Elle permettra de préserver son patrimoine à l’intérieur du Maroc. Nous avons déjà l’exemple réussi de la fondation Yves Saint Laurent à Marrakech. Le Maroc a donc les moyens et l’expérience pour rééditer la même expérience avec Bravo.

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Par Maha El Yabouri

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