Chroniques

100% Jamal Berraoui : Guevara : L’âge mûr d’un mythe

© D.R

Il y a 40 ans, le 8 ou le 10 octobre 67 selon les versions, des soldats US assassinaient à la sauvette le commandante Che Guevara. Pour donner la pleine mesure du respect yankee pour la dignité humaine, ils l’ont enterré, puis déterré et réenterré en secret, pour que le guérillero assassiné disparaisse sans laisser de trace.
Guevara devint du jour au lendemain immortel, symbole du désir d’émancipation des peuples et de l’aspiration égalitaire du genre humain. Partout son nom est scandé, jusqu’à aujourd’hui, lors de toute contestation sociale, en faveur de la liberté. Ceux qui l’on enterré en ont fait un mythe, un cri de rassemblement. Par sa mort Guevara n’est plus le théoricien du foquisme, une variante révolutionnaire qui n’a réussi qu’à Cuba, qui n’a pas une grande confiance dans le mouvement des masses, il n’est même plus un marxiste, il est devenu le symbole de tous les mouvements protestataires.
Pendant 40 ans, l’Amérique s’est escrimée à tuer ce nouveau Guevara. La dernière tentative étant le merchandising absolument fou autour de son image. Les télés occidentales ont toutes infligé à leurs téléspectateurs la même émission : Que reste-t-il du mythe de Guevara ?
La réponse fuse d’elle-même, il est devenu plus présent qu’avant : Guevera symbolise tout l’héritage des luttes sociales et anti-coloniales du 20ème siècle. L’image de Lénine entachée par Staline et détruite par les pratiques staliniennes, celle de Trotsky altérée par le sectarisme des siens, celle de tous les héros qui ont gouverné est ébranlée par leur gestion. Les héros du POUM de la guerre d’Espagne sont oubliés au profit de Felipe Gonzales et sa réussite transitionnelle. Mehdi Benbarka souffre de la gestion de son parti. Alors, les Américains pensent que Guevara n’en a plus pour longtemps : Cuba tombera inéluctablement et alors l’œuvre du Che sera oubliée. Ce que la CIA ne sait pas, c’est que l’œuvre du Che n’a rien à voir dans le mythe. La représentation que s’en font les adolescents, à chaque génération, se colore des aspirations du moment. Il est celui qui représente le combat des pauvres pour leur dignité, combat éternel qui reconstruira ses cadres et celui des nations exploitées, par l’Amérique en particulier. Difficile, tant que ces deux luttes n’auront pas cessé d’imaginer la fin du mythe du Che. Il cessera de galvaniser autour du globe, lorsque l’électeur américain cessera d’être un simple consommateur pour devenir citoyen, lorsqu’il se libérera du dogme de la responsabilité pendant de la liberté qui lui fait penser que toute solidarité publique est un acte communiste. Lorsque ce même citoyen imposera à ses chefs que son armée défende l’Amérique et non les intérêts de la World Company. Lorsque  partout dans le monde, l’égalité et la fraternité auront un sens social, concret et que la liberté recouvrera d’autres choses qu’une simple opération votative sous contrôle d’observateurs internationaux. Le mythe du Che mourra lorsque les aspirations qu’il symbolise se seront imposées dans le cadre d’une autre mondialisation  que celle que nous vivons.
Les vents contraires du moment incitent l’intelligensia à croire que cette espérance égalitaire est éteinte à jamais. Que l’histoire est finie. C’est faux, parce qu’elle prend d’autres formes, se crée d’autres cadres sous nos yeux. Elle n’est pas finie parce qu’elle est le moteur de l’histoire. Incidemment Guevara le mythe, pas le dirigeant foco, la symbolise. C’est pour cela qu’il est éternel, 40 ans étant un bel âge pour un mythe.

Articles similaires

Chroniques

L’extrême droite caracole en tête des sondages en France

L’extrême droite, incarnée par Jordan Bardella, semble avoir le vent en poupe....

Chroniques

Mieux communiquer, mieux vivre…C’est inspirant, d’être inspirant !

Pour réussir à inspirer les autres et pour réussir à être inspiré...

Chroniques

Le renseignement face à l’essor des criminels en col blanc

Dans ses formes les plus raffinées, la criminalité en col blanc se...

Chroniques

Le terrorisme international appartient-il au passé ?

La menace de la terreur n’a pas disparu de notre monde

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux