Chroniques

100% Jamal Berraoui : Histoires de certificat

© D.R

À Tétouan, un enseignant courroucé par une fillette de 6 ans qui a perturbé sa prière, lui a carrément cassé le visage. Le petit ange ressemblait après à un vaincu par le grand Cassus Clay. Ses parents ont voulu déposer plainte et se sont adressés au médecin qui l’a soignée pour avoir un certificat médical. Bon prince, celui-ci a limité la durée de l’incapacité à 15 jours. Bon prince parce que ce faisant il évite la prison à l’enseignant, alors que la petite fille a 2 fractures et que c’est le même médecin qui a fait le diagnostic.
Cette histoire appelle plusieurs commentaires. Le premier concerne la prière en classe. Depuis quand celles-ci sont-elles transformées en mosquées ? Ensuite cet enseignant qui s’est acharné sur une fillette de 6 ans est un malade qui n’a plus rien à faire dans le métier, ce n’est pas l’avis de ses amis, (il en a !) qui mettent en avant sa dévotion et sa qualité de prêcheur du vendredi. Ou en arrive enfin à cette histoire de certificat où le médecin se transforme en juge en abusant du droit.
Le même jour à Casablanca le procureur a appelé un honnête citoyen pour lui apprendre qu’il était poursuivi pour coups et blessures. Le plaignant avait déposé un certificat avec une incapacité de 60 jours. L’accusé demanda quelques heures de répit, s’adressa au même médecin et, contre bakchich, put avoir lui aussi un certificat de 60 jours, alors qu’il est en excellente forme et surtout… qu’il n’y a jamais eu de bagarres.
Si, à la limite, on peut comprendre l’attitude du médecin qui refuse de délivrer un certificat équivalent à un mandat de dépôt, on ne peut traiter l’autre que de malhonnête. C’est un problème de fond.
Dès que la durée de l’incapacité dépasse 20 jours, l’accusé est mis en état d’arrestation. Le médecin doit normalement agir en son âme et conscience, mais sachant cela il devient acteur d’un système judiciaire, ce qui n’est pas sa vocation.
La profession, l’Ordre, au lieu de se pencher sur ce point de droit, chercher à l’améliorer en exigeant une décision collégiale par exemple, fait la politique de l’autruche, cela donne exactement les deux attitudes citées plus haut. Certains refusent de délivrer les certificats menant à l’incarcération, quitte à perdre des clients, mais surtout au détriment des victimes qui ne peuvent plus plaider valablement. Une autre catégorie se transforme en imprimerie de certificats, parfois prêts et déposés auprès de la secrétaire qui remplit elle-même les noms et encaisse le prix bonifie. Oui vous avez bien lu, des médecins délivrent des certificats sans même examiner le malade. Dans les quartiers populaires, où mathématiquement l’incivisme et la violence sévissent, les certificats pour bagarres sont un excellent «créneau»; Pire, c’est un élément d’identification des fonds de commerce, celui qui refuse de les délivrer perd à jamais les patients auxquels il a refusé de «rendre service». Le même phénomène concerne aussi les certificats de maladie où l’abus est la règle, surtout pour les courtes durées. Certains médecins profitent de l’impunité que leur procurent leurs statuts et le fonctionnement de l’Ordre. Ils pervertissent un système judiciaire déjà mal-en-point et, ce faisant, se transforment en juges alors qu’ils ne sont censés intervenir que comme experts. Cette situation est inacceptable pour tout légaliste. Elle devrait l’être aussi pour les médecins. Ce corps a-t-il encore la force d’imposer l’éthique à l’ensemble de ses membres ?

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