Chroniques

100% Jamal Berraoui : Il pleut sur la ville

© D.R

Depuis 30 ans, le Maroc n’a pas connu un automne aussi pluvieux. On devrait s’en réjouir, parce que l’eau est une denrée rare chez nous, que l’agriculture fait vivre un tiers de la population et qu’une année pluvieuse incite à l’optimisme même dans les cités, probablement eu égard aux origines rurales récentes. Cependant, cette image idyllique n’est pas celle que l’on voit. Il y a eu des morts, et il risque d’y en avoir encore. Même tragique, mais fort gênante, est la situation de l’ensemble des villes marocaines. Les canalisations ne tiennent pas, les chaussées non plus. Vétustes, mal entretenues, ces infrastructures sont des plaies, gangrenées dès que des pluies importantes tombent. Qui en est responsable ? Les communes, soit directement, soit par le biais de la gestion déléguée. L’on se rappelle pour Casablanca par exemple, que l’entrée en fonction de la Lydec avait coïncidé avec une situation pareille et qu’on nous avait promis un «plus jamais ça» tonitruant. Le contrat de la Lydec prévoit même des investissements conséquents sur ce créneau. L’évaluation de la gestion déléguée est une urgence, mais mon propos est d’une autre nature. Je veux ici m’interroger, sans avoir nécessairement la réponse, sur la décentralisation et les compétences dévolues aux communes. Si l’on veut une démocratie locale, il faut bien évidemment que les conseils communaux aient de larges compétences et qu’ils gèrent la vie de la cité. En ont-ils les moyens humains, techniques, matériels ? Je n’ai aucun doute là-dessus, c’est non. Parti comme cela, le seuil d’incompétence est vite atteint. Faut-il alors aller au sens inverse et faire de la tutelle un véritable exécutif en réduisant les communes aux séances de palabres, cela constituerait un retour en arrière, sans garantie que tous les problèmes sont résolus. On peut donc considérer que les insuffisances, parfois criminelles, que nous vivons, font partie du coût de la démocratisation, on peut même l’accepter mais sous condition d’avoir un plan de sortie. Il n’y en a pas parce qu’il passe par l’amélioration du profil des élus. Les partis politiques, dans leur ensemble, ont baissé les bras, ils n’arrivent pas à faire élire des cadres. Le système des listes n’a rien réglé du tout et l’émiettement des voix fait que, partout au Maroc, ce sont les mafieux des élections qui font et défont les majorités. Celle concoctée pour Sajid à Casablanca en est le meilleur exemple. Si l’on veut inverser la tendance il y a un moyen, et s’il n’y a pas de garantie, on peut au moins l’essayer. Au lieu de cette proportionnelle absolue que seul le PPS trouve démocratique, on peut faire un système mixte, en utilisant une prime majoritaire. Ainsi la liste classée première, si elle dépasse un seuil minimum de 20%, aurait automatiquement la majorité des sièges, et sa tête de liste est automatiquement le Maire. Cela inciterait aux alliances d’une part et permettrait l’intégration dans les listes de compétences, de profils pointus qui ne sont pas des bêtes politiques. Cela nous permettrait, peut-être, d’avoir des conseils communaux d’une qualité supérieure, d’une plus grande homogénéité, mais cela ne résout pas nécessairement nos problèmes de canalisations et de chaussées. Au-delà du nécessaire contrôle des marchés, il y a un vrai handicap chez nos communes. Il faut que celles-ci puissent se soustraire au statut contraignant de la fonction publique. Aujourd’hui, nos communes emploient du personnel peu, très peu qualifié, souvent en remerciement d’une campagne électorale. Mais elles ne peuvent être attractives pour les techniciens, les ingénieurs et les architectes. Souvent pour garder un bon élément, le président y va de sa poche ou lui trouve une situation de rente, quand ce n’est pas un bon plan de bakchich. Pourtant, la masse salariale est importante. Il y a matière à réfléchir, surtout qu’il y a une réelle détente sur le marché du travail. Enfin, on devrait utiliser les insuffisances actuelles pour préparer les élections de 2009. On serait bien inspiré d’expliquer aux citoyens révoltés par les arrivées des eaux dans leur salon que c’est l’élu du coin qui en est responsable et pas l’Etat. Il est évident que ceux qui s’abstiennent et ceux qui votent sans y croire pourraient réfléchir à la question. Je n’ai pas fait le calcul, mais dans ce texte, j’ai abusé du conditionnel. Ce n’est pas un exercice de style, mais en réalité, je n’ai plus beaucoup de certitudes. Ainsi Alaoui Hafidi, élu président du groupe parlementaire PAM-RNI a promis «de partager équitablement les voyages à l’étranger», ceci dans un discours sur la réhabilitation de la politique. Après avoir lu ça, on a le droit d’être sceptique.

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