Chroniques

100% Jamal Berraoui : La décomposition du corps enseignant

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Il est inconcevable de croire que l’on peut moderniser le Maroc sans réformer, révolutionner l’école et que l’on peut réussir cette réforme avec un corps enseignant aussi gangrené. Le métier d’éducateur est d’abord une vocation, c’est parce qu’ils avaient une image messianique de leur profession, de leur rôle social que les enseignants du Maroc post-indépendance ont pu bâtir l’école marocaine. Qui de nous, anciennes générations, n’a pas appris par cœur le fameux poème d’Ibrahim Hafez faisant l’apologie de l’instit et le comparant au Prophète ?
Mercredi dernier, j’ai eu l’honneur d’encadrer une réunion de représentants des élèves des collèges et lycées de la région de Tensift, 180 élèves entre 13 et 19 ans. Toutes les interventions, sans exception, parlaient de chantage aux notes, de racket aux heures supplémentaires, de harcèlement sexuel et surtout… d’incompétence. Le pire, c’est que les encadreurs des hommes de terrain, acquiesçaient. Avec une telle image, les enseignants n’ont aucune chance d’établir une relation pédagogique saine. Bien évidemment, il y a des professeurs et instits qui tentent de faire leur métier en toute bonne conscience. Ils sont marginalisés, voire stigmatisés. Ainsi, un professeur, qui a eu le malheur de donner des cours supplémentaires gratuitement aux élèves qui en avaient besoin, a été molesté par ses pairs. Dans certaines écoles, les enseignants donnent des cours particuliers à l’intérieur des locaux administratifs, sans que cela puisse émouvoir personne. Il suffit, pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas là de déviance individuelle mais de dégénérescence absolue d’analyser les deux cas suivants, avérés et scandaleux  :
A Marrakech, toujours, le directeur de l’Académie pour solutionner le problème du logement à l’adresse des jeunes filles issues du monde rurale a aménagé des internats dans des locaux désaffectés du ministère. Les filles de Chichaoua ont été logées à côté du local des œuvres sociales. L’aménagement a nécessité l’ouverture d’une porte et d’un corridor dans ce local.
La FDT, le syndicat maison de l’USFP, a organisé un sit-in, comme si l’accès à l’université d’une centaine de jeunes filles de la paysannerie, force populaire s’il en fut, ne valait pas un corridor. Le Directeur a résisté et a même pu découvrir l’origine de l’ire des hussards de l’apocalypse : ils utilisent le terrain vague à chaque Aïd Al Adha pour un commerce de moutons, maquignons ils sont donc.
A Casablanca au lycée Imam Malik, un enseignant, membre de la direction politique d’Al Adl Wal Ihsane, demande un congé extraordinaire pour accompagner sa femme au pèlerinage. L’administration refuse parce qu’il a bénéficié de ce congé exceptionnel auparavant. Il passe outre et s’absente 5 semaines. L’administration applique la loi et le sanctionne. Les 5 syndicats le soutiennent à fond et mettent une pression énorme sur le délégué pour que ce monsieur, le mari de la Hajja, réintègre sa classe. Ailleurs, les syndicats défendent un enseignant escroc ou tortionnaire. Ces faits démontrent que la gangrène touche les structures syndicales, les «élites» enseignantes. Le mercantilisme a avili l’un des plus beaux métiers du monde ; sans une pression sociale, administrative, ce corps est voué à l’agonie.

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