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100% Jamal Berraoui : Le degré zéro du syndicalisme

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La polémique sur le taux de débrayage pour la grève générale a quelque chose de surréaliste. Amaoui affirme qu’elle a été suivie à 60%. Il parlait sûrement de la dernière grève générale à Gaza. Ce que l’on a vu, c’est d’abord une psychose pré-grève, alimentée par ceux qui ont fait le parallèle avec 81. Les pâtisseries ont été dévalisées par exemple. Le jour de la grève, les taxis ont attendu 9 heures du matin pour commencer leur journée. Les trains, les bus, les ports, l’OCP, l’industrie privée ont fonctionné normalement. Mais faut-il saluer cet échec ?
Le syndicalisme marocain traîne une plaie depuis le deuxième congrès de l’UNFP : sa relation avec les politiques. Mahjoub Ben Seddik s’est beaucoup battu pour défendre son organisation et éviter son instrumentalisation par l’aile politique. Celle-ci raillait sa politique du pain.
De cette bagarre est née la CDT, ce qui a eu pour effet de banaliser les syndicats-boutiques qui étaient qualifiés de jaunes.
Aujourd’hui, quand le gouvernement dialogue avec les syndicats, il a en face des partis et il le sait. Cette division a eu un effet immédiat : le recul du taux de syndicalisation. Il est ridicule et pose réellement la question de la représentativité des centrales. Or une démocratie sans un mouvement syndical, véritable thermomètre social et partenaire crédible, est une démocratie menacée à moyen terme.
Reprenons ces grèves de mai. L’ensemble des centrales a appelé à la grève du 13 mai dans la fonction publique. L’ensemble sauf deux centrales. L’UGTM, qui Istiqlal oblige, retrouve son rôle de syndicat casseur de grève. Ses dirigeants, toute honte bue, ont traité de lâches les autres syndicalistes parce qu’ils appellent à la grève.
La CDT a boycotté la grève du 13 mai pour se réserver pour le 21. Une vraie folie !. Aucun syndicat au monde ne casse une grève sectorielle pour appeler à une grève générale. Bien au contraire, il multiplie les grèves sectorielles pour préparer la grève générale. Ce mot d’ordre n’est pas banal, il exige une véritable mobilisation sociale pour avoir un contenu. En 40 ans, il n’a été lancé qu’à de très rares occasions en Europe , Amaoui en est à sa huitième !
Ce syndicalisme-là n’a plus aucune prise sur la réalité. De la même manière que quelques gauchistes instrumentalisent les droits de l’Homme, Amaoui et les siens ont fait de la CDT un outil d’agit-prop, d’agitation-propagande, qui n’est plus qu’une coquille vide, largement minée par Al Adl Wal Ihssane.
Le rêve de l’unité syndicale est hors d’atteinte. Cependant on peut imaginer, et les syndicalistes doivent mettre en place, des structures de coordination. Le législateur peut forcer dans ce sens pour une loi mettant hors-circuit les syndicats maisons et arrêtant cette nouvelle économie de rente.
Par ailleurs, les débats au sein de la gauche marocaine, et en particulier l’USFP, doivent se recentrer sur la question syndicale, à la lumière de cette expérience. L’aile syndicale a fait un tort énorme à la gauche, celle-ci en refusant le respect de l’indépendance des centrales successives qu’elle a initiées, a sapé le syndicalisme marocain.
La crise sociale actuelle, profonde, multiforme, est porteuse de périls. La précarité, la marginalisation cherchant des voies d’expression. Il est dans l’intérêt du pays, de la démocratie, que cette expression passe par un encadrement social. L’urgence de la mise à niveau syndicale provient de là.

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