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100% Jamal Berraoui : L’impossible éradication

© D.R

Si vous avez le bon goût de lire « ALM », vous n’êtes sûrement pas un bon client pour «Al Jazeera». Vous n’avez rien perdu, juste évité un vomissement suite au traitement réservé à la dernière affaire de drogue. Le nouveau feuilleton est arrivé, il s’appelle « Chérif Bin Louidane ». Recherché depuis 3 ans, il vaquait à ses occupations professionnelles et ludiques entre Tanger et Tétouan, souvent accompagné par ceux qui étaient censés être à sa recherche. C’est ce que la presse nous apprend non suite à une enquête ou un reportage mais à des indiscrétions généreusement et équitablement distribuées. Il ne faut pas être extra-lucide pour humer une guerre des services là-dessus avec des conséquences immédiates et… stupéfiantes. Cet aspect des choses intéressera un certain nombre de confrères habitués à l’écume, pas moi. Ce qui m’intéresse c’est de relever que le baron a été très bavard et qu’il a impliqué des responsables de tous les corps répressifs. Le plus étonnant est qu’il affirme avoir fait don à l’institution policière du siège de la wilaya de Tanger, tout au moins de sa construction. Selon la presse toujours, ce parrain avait des milliards en devises et en liquide au moment de son arrestation. Cette fortune, le Chérif l’a constituée en quelques années. Il fait partie de la génération des Kapo, montée en grade suite à l’opération d’assainissement. Au moment même où les Dib et Makhloufi étaient jugés, lui quittait la prison. Sa génération, celle des Ramach et autres, a trouvé la place vacante, les clients et les circuits étant toujours là, ils l’ont prise. C’est un business qui, bien géré, fait d’un berger un multimilliardaire, hyper protégé et menant un train de vie de nabab en  5 ans. Oublier cette réalité, c’est aller au devant de désillusions certaines. Le Hash offre trop d’argent pour ne pas être tentant et ne pas trouver ses businessmen, ceux-ci disposent de trop de moyens pour ne pas trouver de fonctionnaires corruptibles. La répression, sous ses formes multiples, a une efficience très limitée. Il en est ainsi pour toutes les drogues et partout dans le monde. Les pays consommateurs n’ont jamais éradiqué les circuits de distribution, pourtant leurs fonctionnaires sont réputés moins corruptibles que ceux des pays en voie de développement. Dans l’affaire « Bin Louidane», la justice est saisie et elle fera son travail, les responsables impliqués savent, qu’en cas de culpabilité, il n’y aura pas de parapluie pour se couvrir, puisque le chef de l’Etat lui-même s’est publiquement engagé dans ce sens, via le communiqué de la MAP. C’est un signal fort de la volonté d’assainir. Mais d’autres barons sont en gestation et les futurs corrompus existent déjà potentiellement. Croire qu’il suffit de volonté, de décision administrative, de procédures rigoureuses ou d’une équipe d’incorruptibles pour éradiquer le business du Hash c’est faire fi d’une réalité incontournable : il y a trop d’argent à ramasser pour ne pas tenter des aventuriers.  La solution réaliste ne peut être qu’issue d’un accord international. S’il y a autant d’argent dans ce circuit, c’est que le nombre de consommateurs ne cesse d’augmenter et que la prohibition profite aux trafiquants et aux circuits d’intermédiaires. Le Hash n’est pas plus nocif que l’alcool et la cigarette, drogues blanches admises depuis longtemps dans les ressources des Etats. Dépénaliser le Hash c’est permettre l’émergence d’un circuit clean et en finir avec le trafic des deux côtés de la Méditerranée. Sinon d’autres Chérif apparaîtront à chaque fois avec des organisations plus complexes et des couvertures plus élargies. Ces vocations-là sont intarissables même dans les pays où le risque atteint la peine de mort. En attendant, bon spectacle pour le feuilleton ramadanien, ce qui n’empêchera pas nos cafés populaires de sentir le Hash après le ftour. Preuve que le business continue même quand les barons de l’heure tombent. 

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