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100% Jamal Berraoui : Radios privées : Une révolution

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La libéralisation des ondes va connaître bientôt, avec la deuxième génération, un nouveau défi. C’est un moment important pour évaluer le chemin parcouru. En terme d’évaluation, nous n’avons aucun travail sérieux, ni officiel, ni académique, qui fasse le point. Pourtant, le phénomène est intéressant à plus d’un titre. D’abord ces Radios ont réussi à avoir une audience réelle. Elles battent régulièrement les Radios nationales sur les bassins qu’elles couvrent. La qualité y est, alors même qu’elles ont de très jeunes équipes. La diversité des concepts prouve que le champ est encore ouvert et que la créativité n’est bloquée que chez les structures paralysantes des médias publics. Ces Radios indépendantes ont dévoilé d’autres réalités sociales. Ainsi, la prise de parole par les auditeurs y est quasi-permanante. Les universitaires seraient bien inspirés de faire de certaines émissions l’objet de leurs recherches. Les Marocains discutent de tout et sont avides de débat. A part quelques rares péchés de jeunesse, sanctionnés par la HACA, cette prise de parole se fait dans un esprit de responsabilité remarquable. Pour avoir, pour des raisons professionnelles, suivi quelques émissions de manière continue depuis 18 mois, j’ai pu tirer plusieurs constatations. La première a trait à la politique. Extrapolant sur la participation aux élections, les politologues nous serinent à longueur de journée que les Marocains ne s’intéressent pas à la politique. Il n’y a rien de plus faux. Ils suivent de près la vie politique et ont des revendications très claires vis-à-vis des structures partisanes. La défiance, réelle, concerne les turbulences et non pas l’action partisane en elle-même. Certains partis sont les plus critiqués mais avec une charge affective qui en dit long sur leur potentiel. Ainsi en est-il de l’USFP, par exemple, souvent objet des critiques des auditeurs qui précisent qu’ils le considèrent comme «leur» parti. Il n’y a pas domination du nihilisme, comme le laisse entendre une certaine presse. Bien au contraire, les auditeurs, citoyens, mettent en avant le chemin parcouru avec une évaluation très correcte. Ce qui ne les empêche pas de crier leurs indignations ou de clamer leurs espérances.
Sur les problèmes de société, on serait aussi surpris à l’écoute des auditeurs . Le conservatisme est loin d’être aussi dominant qu’on veut bien le croire. L’attachement aux libertés est enraciné. C’est l’élite couarde qui n’arrive pas à transformer cet attachement aux libertés en mouvement de transformation sociale.
Enfin et c’est peut-être le plus important, la chose économique est de plus en plus maîtrisée. Les auditeurs montrent une compréhension des phénomènes et une juste appréciation des contraintes de la rationalité économique. Ces constatations sur un échantillon très large, 4 Radios, et une durée assez longue, méritent bien sûr d’être affinées. Mais, il est clair que la société marocaine a évolué, en mieux, beaucoup plus rapidement que le monde politique dans toutes ses composantes. Les Radios indépendantes sont actuellement de véritables moteurs d’un débat public, riche, profond, que ni les structures partisanes ni les médias publics n’organisent. C’est une véritable révolution au quotidien. Dès lors l’on ne peut que se réjouir de l’arrivée de Télévisions privées et de nouvelles Radios. Il est bien évident que le marché publicitaire étriqué limite le nombre de médias viable, mais cette diversité est un facteur de modernisation du pays et d’enracinement de la démocratie. Il faut espérer que tous les acteurs gardent à l’esprit cette fonction première de la libéralisation de l’audiovisuel.

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