Chroniques

100% Jamal Berraoui : Un mois consacré

© D.R

D’accord on verra cela après l’Aïd, dès la mi-Ramadan, c’est la réponse la plus courante des décideurs aux sollicitations d’autres décideurs. Au début, on a pu penser que cela ne concernait que les Musulmans de Rabat, qui auraient un rythme particulier lié à leurs gênes administratives. Je ne sais pas pourquoi, mais dans nos fantasmes sur le Makhzen, il y a aussi cette tendance à le charger de toutes nos tares. Je peux en attester, pour des raisons professionnelles j’ai dû passer aux décideurs de Casablanca un milliers de coups de fil, pratiquement tous pour un résultat nul. Avant 11 heures et après 13 heures, vous n’avez droit qu’à la «Cheikha» de la boîte vocale qui souvent se met elle-même en congé, pour vous informer que la boîte de votre correspondant est pleine. Sinon, invariablement le Ramadan est mis sur la table pour renvoyer les rendez-vous aux calendes grecques. Les plus sympas délèguent et vous demandent de prendre attache avec un subordonné qui a des horaires à peine plus larges que ceux du patron, il ouvre un quart d’heure avant et ferme cinq minutes après, et qui n’est pas plus disponible durant le mois sacré.
Le jeûne, effectif ou pas, n’est pas compatible avec le travail, ainsi en ont décidé les Marocains depuis la nuit des temps. Ce n’est pas l’abstinence qui crée problème, bien que pour les fumeurs cela ne doit pas être simple, mais la manière de vivre ce mois et surtout la tendance à veiller tard. Cela a fini par créer une pression sociale en faveur de la fatigue, de la fainéantise générale. Il est devenu presque indécent de venir en forme au bureau à 9 heures du matin. Les collègues, de véritables zombies,  vous regardent de travers et condamnent votre fraîcheur suspecte. Alors instinctivement, tout le monde est fatigué dès le premier matin du premier jour du Ramadan. Les mêmes font beaucoup de sport en fin de journée, mais ne sommes-nous pas le peuple des contrastes?
Cela dure depuis plus de 14 siècles, à raison d’un mois par an cela fait près de 120 ans de perdus. C’est à peu près ce qui nous sépare des pays les plus développés. Le raisonnement n’est scientifique qu’en apparence, je le sais, mais il correspond bien à une réalité chiffrable : nous travaillons à minima durant le mois du Ramadan. Comme nous ne sommes pas les champions de la productivité par ailleurs, cela est grave.
Il faudra peut-être se poser les questions rationnelles de manière rationnelle. La contingence religieuse n’est pas en cause, l’organisation sociale qui se met en place autour l’est. Ainsi qui autorise les cafés à rester ouverts jusqu’à pas d’heure, à offrir des jeux de société et des produits (chicha) inhabituels, sinon les autorités ? Qui met en place des transports publics jusqu’à des heures indues ?
Chaque Ramadan, nous diminuons les heures de présence (le travail c’est autre chose), changeons les horaires, chamboulons la vie sociale dans le sens du repos du jeûneur. Du point de vue religieux, la récompense du jeûne est individuelle et non collective. Il n’y a donc aucune raison que les efforts consentis soient eux collectifs, c’est aux pouvoirs publics de casser ces mauvaises habitudes pour limiter le gâchis et faire de ce mois un mois normal. Les Musulmans de France et de Navarre n’ont droit à aucun aménagement et ils jeûnent. Sinon alors décrétons le mois de congé officiel cela limitera les coups de fil infructueux.

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