Chroniques

A dire vrai…Leçon de vie d’une amie japonaise

© D.R

Au hasard de ma promenade de ce matin, je tombe sur ces pauvres hères qui hantent désormais nos rues. Sans aversion, ils se repaissent des restes confiés aux poubelles, se chamaillent à coup de gros mots, sirotent l’alcool à brûler, quémandent des piécettes aux passants, et finissent ivres morts sur les trottoirs. Par quels détours du destin se retrouvent-ils sur le bas-côté de la société ? Que fait-on pour les sauver ? Je poursuis mon chemin, accablé par un sentiment d’impuissance. Je croise mon voisin. Bougon, il m’annonce qu’il a perdu un proche. Je compatis. Puis il se lance dans une diatribe contre le nouveau gouvernement qui, selon lui, aurait affiché la couleur en intégrant des individus à la compétence discutable ou qui, sous couvert de prétendus référentiels idéologiques, cherchaient uniquement à se faire renflouer financièrement en accédant à la fonction ministérielle. Peu enclin à écouter ses récriminations, je m’empresse de le quitter. Je croise ma banquière. Elle m’apprend que ses deux frères ne trouvent toujours pas de travail malgré des études supérieures qui ont saigné les parents. Gauchement, je rétorque en guise de consolation que pas une famille n’a pas un ou plusieurs enfants au chômage. Je poursuis ma marche matinale. Une clameur provient du bas de l’avenue. De jeunes chômeurs, encadrés par les forces de l’ordre, scandent des slogans les poings levés vers la bâtisse publique qui surplombe l’avenue. Ils exigent des solutions, ici et maintenant. Je vois grossir la bombe sur laquelle nous sommes assis. Dans combien de temps va-t-elle nous exploser au nez ?
Je n’en peux plus. En une matinée, mon moral a pris un sacré coup. Comme à chaque fois que j’ai le blues, je reviens à mon amie, Dr. K. T. de l’Université d’Obirin au Japon. Au lendemain du désastre de Fukushima, je lui avais exprimé ma tristesse et ma compassion. Sa réponse est une leçon de vie mémorable. Je la dédie à mes clodos, à mon voisin, à ma banquière, à ceux qui se sentent accablés par la vie : «Merci beaucoup de votre message sympathique et de votre compréhension pour nous tous les Japonais. Oui, c’est beaucoup. Le séisme, le tsunami et encore l’accident des réacteurs. Malgré l’anxiété et la peur, on doit continuer la vie normale en travaillant comme d’habitude.
Ça demande un peu plus des efforts qu’avant.  Mais dans cette calamité, nous, les Japonais, on apprend beaucoup de choses. Maintenant on réfléchit comment on vivait dans le passé et comment on doit vivre, comment on doit reconstruire notre vie dans le futur.  Peut-être, on doit vivre moins égoïste, moins matérialiste et moins d’efficacité qu’avant, et plus harmonieusement avec la nature, plus de solidarité avec les autres et plus spirituellement. Chaque jour, pour nous, c’est une leçon. On retrouve dans cette difficulté une autre valeur, la solidarité. L’aide l’un à l’autre, l’amitié, la fraternité, la modestie, l’ordre, le respect et la spiritualité… Surtout chaque jour on essaie de semer l’espérance, la cultiver et la grandir. Pour moi, c’est un apprentissage sur la place de quoi j’ai appris du soufisme de votre religion et de votre civilisation. C’est vrai encore que le désastre naturel est beaucoup plus acceptable que la calamité causée par les humains. La dernière est pire que la première. C’est pour cela qu’on se sent très mal aussi pour ce qui se passe en Libye et dans d’autres pays, la guerre et les conflits, etc. Heureusement, notre empereur n’est pas un dictateur. Il a dit qu’il veut être toujours avec le peuple et il économise l’électricité, il vit plus modestement et même il offre une de ses résidences pour les sinistrés. Nous aussi, au niveau de l’université, on a déjà établi le fonds du soutien pour les régions sinistrées. On leur envoie les objets nécessaires à la vie quotidienne et leur offre également les abris temporaires à l’université. Moi aussi je travaille de temps en temps comme bénévole. Je suis sûre que nous les Japonais vont surmonter cette difficulté et nous allons nous rétablir bientôt. Je vous remercie beaucoup encore une fois de votre assistance morale. Ça nous donne déjà beaucoup de courage.» Merci Dr K. T. pour cette belle leçon de vie.

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