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A dire vrai… Les néologismes des amalgames

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«BANGUI – Les milices chrétiennes anti-balaka ont attaqué vendredi à Bangui des quartiers habités par des musulmans, minoritaires dans la capitale centrafricaine.» Cette information a été rapportée ainsi par une dépêche de Reuters du 20/12/2013. La même dépêche ajoute qu’«Une précédente offensive des milices chrétiennes sur Bangui a déclenché début décembre une vague de représailles sanglantes de la part des combattants musulmans de la Séléka.»

Il y a quelques années, la guerre civile qui avait déchiré le Liban était présentée comme un affrontement entre musulmans et chrétiens. En Irak, la population est majoritairement musulmane. Qu’à cela ne tienne. On a trouvé le moyen de parler d’un conflit interconfessionnel en catégorisant les adversaires en sunnites et chiites.

Diable, mais comment font donc les médias pour faire le tri entre le musulman et le chrétien dans une guerre ? En les comptabilisant à la sortie des mosquées et des églises ? En vérifiant le degré d’observance des préceptes de la foi par les différents belligérants ? En recensant les individus qui, après avoir reçu une claque sur une joue, tendent l’autre joue ? En comptant les individus qui appliquent les enseignements du Prophète de l’Islam qui n’autorisait d’entrer en guerre que pour se défendre ?

Selon le Coran, la guerre est une «obligation non désirée» à laquelle il ne faut recourir qu’en dernière instance dans le respect des valeurs morales et humaines. Le Prophète Sidna Mohammed n’a recouru à la guerre que pour se défendre dans des situations inéluctables. Pendant les 13 premières années de l’Islam, les musulmans, minoritaires, avaient vécu à La Mecque sous une autorité païenne.

Harcelés, maltraités, torturés, pillés, assassinés, ils n’avaient jamais recouru à la violence et toujours appelé les païens à la paix. Quand l’oppression devint insupportable, ils émigrèrent à Médine où ils établirent leur propre ordre dans un environnement paisible et libre.

Ils ne prirent les armes contre les païens agressifs de La Mecque que lorsque le Prophète reçut la révélation : «Autorisation est donnée à ceux qui sont attaqués (de se défendre) – parce que vraiment ils sont lésés; et Allah est certes Capable de les secourir – ceux qui ont été expulsés de leurs demeures, contre toute justice, simplement parce qu’ils disaient: «Allah est notre Seigneur». (Le Coran, sourate al-Hajj, versets 39-40)».

La presse qui couvre les péripéties des guerres s’assure-t-elle que les musulmans en question font partie de «Ceux qui refoulent leur colère et qui pardonnent aux gens. Et Dieu aime les bienfaisants» (Coran III, 134). Que leurs adversaires chrétiens ont écouté Jésus lorsqu’on lui avait demandé «O esprit de Dieu, quelle est la chose la plus grande et la plus difficile ici-bas et dans l’autre monde ?» Il répondit : «la colère de Dieu (qu’Il soit exalté et glorifié !).

On demanda : «Et qu’est-ce qui peut l’éviter» Il répondit : «Que tu brises ta colère et que tu étouffes ta rage.» ?
L’on sait les ravages provoqués par les guerres de religions en Europe aux XVIème et XVIIème siècles et les millions de victimes qui en pâtirent. Aujourd’hui, l’imaginaire collectif en Occident associe musulman à terroriste, un poignard entre les dents. Pire, musulman n’ayant pas été assez au goût des auteurs des raccourcis ravageurs, il a fallu inventer d’autres termes comme… comme islamiste.

J’ai beau chercher le sens de ce terme dans tous les dictionnaires. Je ne suis parvenu qu’à une seule conclusion : son usage est controversé. Et comme si cela n’était pas suffisant, on parle aujourd’hui de djihadistes ! D’un seul trait de plume, 1,5 milliard de musulmans, soit près du quart de la population mondiale, sont transformés en terroristes potentiels ! Voilà comment, en raison de la commodité abêtissante de raccourcis irresponsables, on instille les amalgames, attise les haines, stigmatise les populations, dresse les peuples les uns contre les autres.

Encore heureux qu’on ne nous ait pas asséné des concepts du même cru et abreuvés de chrétienistes ou judaistes à propos de terroristes avec un lien plus ou moins supposé avec les deux autres religions monothéistes. L’extrémiste ne serait-il pas justement celui-là même qui a inventé l’isme pour décrire l’objet de son néologisme, mais qui, ce faisant, entraîne avec lui tout un pan innocent de la population mondiale ?

Curieux, les pires atrocités sont commises au nom des religions, alors que ces mêmes religions sont toutes porteuses de messages de paix et d’amour. Le sens des responsabilités n’exige-t-il pas d’informer sur les conflits qui secouent notre planète, en les circonscrivant à leur véritable et unique dimension : celle de la bêtise humaine, aux antipodes de la sagesse des religions ?

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