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Autrement : Élections à haut risque

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 La Côte d’Ivoire et Haïti votaient pour élire leur chef d’Etat. L’Egypte, quant à elle, a vu se dérouler un premier tour d’élections législatives. En Côte d’Ivoire, l’enjeu de ces élections est de parvenir à sortir d’une menace de guerre civile toujours présente, liée en particulier à des divisions d’ordre ethnique. En Haïti, de favoriser la  reconstruction d’un Etat réduit à presque rien du fait de la pauvreté, des catastrophes successives (tremblement de terre il y a un an, le choléra maintenant), mais aussi (surtout?) de la corruption. Dans les deux cas, les chances de voir les choses s’améliorer sont infimes. En Egypte, les élections législatives préparent le terrain pour l’élection présidentielle de fin 2011, qui pourrait permettre la réélection, une fois encore depuis 1981, du président Hosni Moubarak, 82 ans, ou l’élection de son fils Gamal. Les élections en Egypte retiennent particulièrement l’attention du reste du monde, dès lors qu’il s’agit du pays le plus peuplé du monde arabe: 83 millions d’habitants, et que ce qui se passe au sein de cette société renvoie à de nombreuses situations similaires ailleurs. La question qui se pose dans le cadre de la réalité égyptienne est redoutable. Elle se formule brutalement: des élections libres sont-elles toujours souhaitables? En d’autres termes: des élections libres, dans des contextes sociaux très difficiles, ne peuvent-elles pas aboutir à des situations ingérables de chaos? Cette question s’est posée «après-coup» en Algérie, dans les années 1990, une fois des élections municipales passées et des élections législatives en cours. Après la victoire des candidats islamistes, le régime au pouvoir à Alger, au nom de la paix sociale et de la stabilité (mais aussi pour préserver ses intérêts particuliers), a interrompu le processus électoral. Il s’en est suivi une décennie de violences, avec près de 200.000 morts. Que serait devenue l’Algérie, si le F.I.S. (Front Islamique du Salut) avait pu accéder au pouvoir? Personne ne détient la réponse. La même problématique se pose à la veille de toute élection en Egypte. Dans ce pays où leur mouvement est né dans les années 1920, les Frères Musulmans sont toujours susceptibles d’obtenir de bons scores. Dès lors que l’idéologie qu’ils cultivent tend à la création d’un Etat totalement régi par des règles islamiques (celles, en tout cas, qu’ils déclarent telles), un Etat «théocratique», ne peut-on craindre que, une fois parvenus au pouvoir, «les Frères» abolissent l’Etat démocratique, à la manière de la Révolution islamique en Iran? Des élections libres dans une société où la démocratie n’a jamais été vraiment pratiquée, enseignée, cultivée, peuvent donner les clés du pouvoir aux pires ennemis de la démocratie! On ne saurait oublier, ainsi, que Hitler est parvenu au pouvoir par les urnes. En 2005, aux précédentes élections législatives égyptiennes, les candidats des Frères Musulmans avaient obtenu 20% des voix. Cette fois, le régime d’Hosni Moubarak a anticipé le risque. Plus de 1.200 «Frères» ont été arrêtés ou interpellés; 500 d’entre eux sont encore détenus.

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