Chroniques

Autrement : Histoires de cochons

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De l’avis de nombreux analystes politiques, si Brice Hortefeux, ministre français de l’Intérieur, n’avait pas été un intime du président Nicolas Sarkozy, il aurait été contraint de démissionner après avoir tenu des propos douteux sur un militant politique d’origine maghrébine, début septembre lors de l’Université d’été du parti présidentiel : «Quand il y en a un ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes». Monsieur Hortefeux lui-même n’a-t-il pas démis récemment un préfet qui s’était montré irrespectueux à l’égard d’une employée noire d’un aéroport ?
On laissera le ministre français de l’Intérieur avec sa conscience concernant les sentiments profonds qu’il peut nourrir à l’égard des Maghrébins et des musulmans. S’il a voulu faire de l’humour – et il semble coutumier de ce genre de «plaisanteries» liées aux origines ethniques –, il s’agit d’un humour particulièrement lourd. Surtout, un personnage public de premier plan comme lui n’a pas le droit de se laisser aller à de pareils dérapages. Ceux-ci sont malheureusement fréquents dans la société française, et proviennent de personnages politiques situés à gauche comme à droite.
Pas plus tard qu’en juin dernier, Manuel Valls, le député-maire socialiste d’Evry, candidat à la candidature pour les prochaines élections présidentielles, ne demandait-il pas à un de ses collaborateurs, lors de la visite d’une brocante où la plupart des vendeurs étaient noirs : «Tu me mets quelques Blancs, des Whites, des Blancos»?
Les faits sont graves quand il s’agit de propos tenus par des personnages politiques censés être des modèles pour les populations. On doit, aussi, s’inquiéter de tous ces préjugés malsains que portent en eux, et colportent, nombre de «Français ordinaires» qui font du racisme sans même s’en rendre compte. Les propos très discutables de Monsieur Hortefeux, en effet, ont été précédés de ceux d’une militante qui a présenté au ministre le jeune Amine. Pour exprimer que celui-ci ne correspondait pas du tout au «prototype» de l’Arabe habituel, elle a cru pouvoir préciser: «Il mange du cochon et boit de la bière!». Ainsi, l’intégration à la société française d’un individu originaire du Maghreb, passerait par sa «conversion» à la consommation de viande de cochon! Serait-ce à dire que l’identité française résiderait d’abord dans cet attachement à la chair du porc? Etrange conception de sa propre identité collective !
Mais ne nous moquons pas trop vite de ces Français qui réduisent leur l’identité nationale à la consommation de viande de porc et à l’absorption de bière ou de vin, méprisant ainsi leur riche histoire et leur fabuleux patrimoine culturel. Combien de musulmans, en effet, ne commencent-ils pas, eux aussi, par définir leur «être musulman» à partir de l’interdit alimentaire du cochon? Les habitudes alimentaires sont grandement liées à l’environnement naturel. Ici, on mange du mouton plutôt que du serpent, d’abord parce que les ovins sont davantage adaptés à la géographie. Et si, dans certaines cultures, la viande de tel ou tel animal est considérée comme «tabou», interdite à la consommation, cela relève d’abord du besoin des sociétés de situer quelque part les forces du  mal.

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