Chroniques

Autrement : Une France malade de son histoire coloniale

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Le scénario est classique. Depuis trente ans, il se reproduit toujours de la même façon, en divers lieux de la France. Un jeune Maghrébin meurt dans un accident d’auto ou de deux-roues alors qu’il est poursuivi par des voitures de police, ou bien décède au commissariat dans des circonstances souvent difficiles à établir. Le soir même, le quartier du jeune homme s’enflamme. Ses copains, ou ceux qui se découvrent tels, incendient des voitures de gens innocents et détruisent des équipements collectifs ou commerciaux (crèches, centres sociaux, écoles primaires, gymnases, supermarchés, autobus…) En général, la révolte dure trois nuits consécutives, puis elle s’épuise. Les jeunes ont voulu se venger de la police, mais c’est leur quartier qu’ils ont détruit un peu plus, et ce sont leurs parents, leurs frères et sœurs, leur famille directe qui vont pâtir le plus des dégâts occasionnés. Ces derniers jours, des évènements de ce genre ont recommencé à Firminy, dans le département de la Loire, et aussi à Louviers, dans l’Eure. On peut en craindre d’autres au cours des semaines d’été, quand nombre de jeunes, n’ayant pas les moyens de se rendre sur les lieux de vacances estivales, se retrouveront encore plus désœuvrés dans leurs quartiers souvent sinistres.
Trente ans que cela dure, trente ans au bout desquels on doit constater que la société française ne comprend toujours pas ce qui se passe. Il ne s’agit certainement pas d’excuser les jeunes qui violent les lois de la République française et ceux qui incendient des biens qui sont utiles à la collectivité. Mais ces graves désordres s’enracinent de manière récurrente dans un contentieux profond sur lequel il conviendrait que la société française et ses responsables acceptent enfin de s’interroger: les relations difficiles entre jeunes des «cités», particulièrement maghrébins et noirs, et institution policière. Celle-ci, en effet, se trouve enfermée depuis la guerre d’Algérie dans une fonction de surveillance et de contrôle quasi-systématique des populations issues pour l’essentiel de l’ancien empire colonial français. Une spirale de défiance, voire de haine ou de mépris, n’a pas cessé d’être entretenue depuis plus de cinquante ans, et le fait qu’il y ait aujourd’hui un certain nombre de policiers maghrébins et noirs ne change rien à la situation. Récemment ont été publiés les résultats d’une enquête menée pendant plusieurs mois par une équipe de recherche du CNRS (Centre national de la recherche scientifique ). Ce rapport apporte la preuve scientifique d’un «profilage racial» au cours des contrôles d’identité, les personnes perçues comme «arabes» et «noires» étant contrôlées de manière disproportionnée par rapport aux personnes perçues comme «blanches».
En 1981, la Grande-Bretagne a connu quelques mois avant la France ses premières «émeutes ethniques» liées aux accusations de racisme que les jeunes Antillais des villes du Sud portaient contre la police. Plus pragmatiques que les Français, les Britanniques ont alors entrepris tout un travail de réflexion sur les rapports entre jeunes «de couleur» et policiers, et ils ont su apporter de salutaires améliorations.

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