Chroniques

Autrement : une gargouille nommée Ahmed

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Alors que, dans la France d’aujourd’hui, beaucoup de tentations xénophobes s’expriment ouvertement jusqu’au sommet de l’Etat, un fait sympathique mérite d’être cité en exemple à l’attention de tout le monde. Il a pour cadre la ville de Lyon, qui fait preuve depuis longtemps du souci de cultiver le «vivre ensemble» entre  personnes de convictions et de fois différentes. Au cœur de la cité se trouve une majestueuse cathédrale dont les parties les plus anciennes datent du XII ème siècle, et qui est classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Comme pour tous les édifices de ce type, l’entretien du bâtiment demande des restaurations quasi-permanentes. Du fait de la pollution atmosphérique, les pierres qui ont traversé les siècles se trouvent, désormais, mises à rude épreuve. Il faut donc régulièrement les remplacer. Or, depuis plusieurs années, le chef de chantier de la cathédrale Saint-Jean Baptiste à Lyon s’appelle Ahmed Benzizine. Un tailleur de pierres qui travaille avec lui, un certain Emmanuel Fourchet, a voulu lui rendre hommage. Comment cela? En sculptant, à douze mètres au-dessus du sol, une gargouille à son effigie sur un des côtés extérieurs de l’édifice! Pour ceux qui ne le sauraient pas ( puisque, il est vrai, elles n’appartiennent pas à la tradition de l’art islamique ), les gargouilles sont des ouvrages d’évacuation des eaux de pluie des toitures. Invention de l’art roman adoptée, ensuite, par l’art gothique, les gargouilles des cathédrales et autres églises présentent des visages sculptés qui sont souvent des figures grotesques. Elles affectent la forme d’animaux fantastiques, ou encore de démons, ou de personnages extraordinaires dont l’expression veut manifester un rejet au loin des forces du mal. Or voilà donc que le maître sculpteur de la cathédrale, par amitié et espièglerie, a sculpté une tête «pas très catholique»! Mieux! Au-dessous du buste a été écrit dans la pierre, en arabe et en français : «Allah akbar! Dieu est grand!». Lorsque cela a été connu, certains groupes qu’on appelle  «identitaires» s’en sont émus. «Non seulement les musulmans occupent nos rues, nos places, mais les voilà, maintenant, qui s’inscrivent dans la pierre de nos églises!». L’archevêché de Lyon, au contraire, a vu dans ce geste une sympathique adaptation d’une ancienne tradition du Moyen Age, qui permettait de représenter par des gargouilles les artisans qui avaient travaillé longtemps sur le chantier. Et le recteur de la Grande Mosquée de Lyon s’est réjoui de  ce «clin d’Oil» à l’entente entre chrétiens et musulmans. Mais on pourra aussi sourire du fait que cette inscription de la présence de l’Islam en France, se fasse à travers la sculpture d’un visage. La doctrine musulmane, en effet, ne proscrit-elle pas la représentation des êtres? Encore que, au Maroc comme dans d’autres pays musulmans, les sculptures ne manquent pas sur les places publiques de nos grandes villes!

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