Chroniques

Faut-il tuer le soldat riche Ayouch ?…

© D.R

Je ne vais rien vous apprendre car vous savez déjà que «les autorités compétentes» (Qui c’est ?!?….) ont décidé d’interdire le film incriminé de Nabil Ayouch avant même que son auteur présumé ne l’ait présenté à la commission dédiée, comme il est d’usage depuis la nuit des temps, y compris, du temps où tout était interdit.

J’aurais voulu vous épargner les raisons officielles qui ont été avancées pour justifier cette interdiction absolument injustifiable, mais j’en ai besoin pour justifier la gueulante que j’ai envie de pousser tellement je suis terriblement outré. Selon le communiqué publié à cet effet, ce film «comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du Maroc».

Rien que ça ?!? Donc, si je devais caricaturer cette phrase si lourde de sens, ce film donnerait un coup de poing à nos «valeurs morales» et à la femme marocaine et un coup de pied à l’image de notre pays. Bon, essayons de comprendre. Commençons par le commencement : les «valeurs morales». D’abord, j’aimerais bien que quelqu’un m’explique ce qu’on entend par cette périphrase que tout le monde répète chez nous comme une litanie.

Bien sûr que je sais ce que ça veut dire, mais quand on répète à tort et à travers les mêmes mots, on finit par leur ôter tout leur sens et toute leur substance. Quant à la «femme marocaine» que ce film est accusé de lui porter «un outrage grave», je ne vois vraiment pas pourquoi on a décidé de faire cette extrapolation absolument outrancière ! Le film montre des femmes, quatre au total, m’a-t-on dit, qui sont des prostituées, pardon, qui jouent le rôle de prostituées. Nuance. Alors, je ne vois pas pourquoi et en quoi, TOUTES LES AUTRES FEMMES MAROCAINES seraient insultées par ça! Je vais vous donner un autre exemple et je vais rester avec Nabil Ayouch pour ne pas impliquer ses autres confrères.

Il y a quelques années, il avait réalisé un film qui avait eu un succès mérité et qui s‘appelait… «Ali Zaoua». Qui ne se souvient pas de cette œuvre magnifique, cinématographiquement parlant, qui montrait, rappelez-vous, la vie dure, violente, atroce, voire insupportable des enfants de rues, en particulier à Casablanca.. Pourtant, ce film n’avait pas été interdit pour «outrage grave… aux enfants marocains». Pourquoi ? Je pourrais vous donner de nombreux autres exemples de films marocains qui montrent, par exemple, des corrupteurs et des corrompus, des voleurs et des volés, des tueurs et des tués, des proxénètes et… des prostituées. Pourquoi on n’a jamais interdit tous ces films parce qu’ils  porteraient atteinte à nos valeurs morales et à… tous les Marocains ? Bizarre, bizarre… Non, je n’ai aucune envie de rigoler parce que tout ça montre et démontre qu’on baigne, que dis-je ?, qu’on se noie dans les contradictions. Et à propos de contradiction, parlons maintenant de «l’image du Maroc» qui serait menacée par cette œuvre vraisemblablement satanique.

Je n’aurais pas le temps ni l’espace suffisants pour citer toutes les occasions où ce qu’on appelle «l’image du Maroc» est mise à dure épreuve par d’autres et pas du tout par les pauvres cinéastes, mais je vais me limiter à une seule question : «Si on a interdit la diffusion du film au Maroc, comment fera-t-on pour l’interdire dans tous les autres pays de la planète puisque le problème de notre «image» ne se pose pas ici, chez nous, car, nous, nous aimons notre pays avec toutes ses tares et tous ses retards, mais à l’étranger ? Maintenant, je crois que je vais vous étonner. Au fond, je n’en veux pas trop à nos «autorités compétentes» qui, après tout, n’ont fait que leur boulot. Par contre j’en veux beaucoup à la majorité de mes compatriotes dite silencieuse et qui l’est la plupart du temps, et qui, soudainement, devient puritaine et donneuse de leçons. Pire encore : elle devient juge et bourreau.

Pourquoi, s’interrogent-ils tous, Nabil a fait un film sur «des prostituées du peuple» et pas sur «les prostituées bourgeoises» (je vous assure que c’est authentique), et même – je l’ai entendu plusieurs fois – sur «la richesse de son père» !
Même si je suis foncièrement contre la peine de mort, je pense que c’est vraiment dommage que le ridicule ne tue pas.

En attendant, je souhaite à tous les vrais libéraux et à toutes les vraies éclairées, un très bon week-end. Quant aux autres…
Un dernier mot sous forme de devinette pour rigoler un peu : qu’est ce qu’on fera au prochain cinéaste marocain qui montrera dans son film une femme qui fait un bisou à son… bébé ?

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