Chroniques

Jesus Greus : Le zyriab de Marrakech

La beauté, le « talent » et le charme de Marrakech n’ont pas d’égal par rapport à d’autres endroits prisés dans le monde entier. Je ne veux pas qu’on me traite de chauvin ou autres choses similaires, mais je relate, en tout sincérité, l’appréciation et les jugements de tous les étrangers visiteurs ou résidant dans cette belle ville ocre, capitale du tourisme national. Nous avons vu, à travers la lettre de Marrakech, que toutes les personnalités traitées et navigant dans des mondes très différents (politique, sportif, culturel, économique, artistique…) pensent de Marrakech la même chose, un havre de paix, d’exotisme, de réflexion et de bien-être.
Parmi ceux-là, j’ai eu le plaisir de rencontrer un jeune Espagnol qui, comme on le verra, a choisi Marrakech, pour y vivre mais surtout pour écrire ses livres, ses productions littéraires dont la plus connue, est son livre « Zyriab ».
Jesus Greus est espagnol, natif de la capitale Madrid en juillet 1954. Issu d’une famille dont le père est avocat, ayant pendant sa vie professionnelle, fait des affaires propres à travers une société privée de location d’appartements mais aussi à travers la production agricole au sud de l’Espagne. Sa mère a dédié sa vie à des causes philanthropiques particulièrement dans la lutte contre le cancer mais aussi pour une institution de bienfaisance pour les enfants abandonnés. Par ailleurs, elle présidait la Fondation des amis des monastères. Voilà notre ami Jesus qui va grandir dans une famille qui lui donnera éducation, le goût à la culture et il obtiendra son baccalauréat puis ira à Londres pour son diplôme de langue et de culture anglaise qu’il décroche à l’« Institut of linguists ».
Sorti de la vie universitaire, le jeune Jesus va avoir une vie professionnelle « aventurière », comme il le dit. Tout d’abord durant les années 1970, il va collaborer dans l’édition espagnole d’une revue trimestrielle sur l’étude des philosophies orientales. Jesus me raconte qu’en cette période, il faisait partie d’une organisation internationale de yoga dirigée par un gourou indien. Il y a travaillé et tellement initié qu’il est devenu professeur de cette philosophie artistique de réflexion. Cela lui a permis d’aller participer au travail du yoga dans plusieurs centres de cette organisation, particulièrement, aux USA, en Inde, dans plusieurs pays européens et bien sûr dans son pays l’Espagne.
Parallèlement à ces activités journalistiques et de yoga, Jesus s’adonne à la musique, mais pas n’importe laquelle, puisqu’il commence à apprendre à Londres : le tabla indien, un instrument de percussion et ce pendant quelques mois. Ayant quitté le domaine du yoga, Jesus se consacre, avec plusieurs ensembles musicaux vers les années 80, à expérimenter la fusion des musiques orientales et celles de l’Occident.
De ce travail est née, la sortie d’un disque enregistré. La suite musicale de notre ami va se continuer, pendant sept ans, avec un ensemble musical médiéval : « Atrium-Musicae » qui se produira à travers le monde avec plusieurs enregistrements en fin de parcours.
Comme si le monde musical ne lui suffisait pas, Jesus Greus s’est fait embauché comme traducteur de l’anglais à l’espagnol pour plusieurs maisons d’édition madrilènes. Par ailleurs, Jesus collabore aussi dans plusieurs quotidiens espagnols tels que : ABC de Madrid ou encore El Mundo et Diario 16 de Majorque.
La vie de Jesus connaîtra aussi la facette de conférencier, « activité que j’aime », dit-il et qu’il a pratiquée en Espagne bien sûr, mais aussi au Portugal, en France, en Grande-Bretagne et maintenant au Maroc.
A titre d’exemple, il s’est occupé de Diwan Al Adab à Dar Takafa de l’université Al Akhawaine d’Ifrane, invité par Monsieur Hassan Aourid. Il sera bientôt l’invité-conférencier de l’université de Rabat et de l’Institut Cervantès.
La vie de Jesus Greus est surtout marquée par ses écrits. Son roman, le plus connu et le plus populaire est « Zyriab » qu’il édite en 1987 chez Swann à Madrid et repris en français (à Paris) par les éditions Phebus en 1993. Ce livre a connu beaucoup de succès grâce à cette biographie de «Zyriab », ce célèbre musicien qui a révolutionné la vie courtisane à Cordoue au 9ème siècle. D’autres publications de Jesus verront le jour comme :
– « Junto Al Mar Amargo » chez Hakeldama éditor, roman dont l’histoire se passe à Majorque, vie amère d’un artisan horloger, très pauvre, dans un village auprès de sa mère.
– « Asi Vivian En Al Andaluss » aux éditions Anaya, petite oeuvre historique sur la façon et les moeurs et la culture andalouse, livre utilisé actuellement dans les écoles.
– « Claro de Luna » en 1977, oeuvre poétique de jeunesse.
– « De Soledades y desertios », en 2002 aux éditions La Avipa, pièce de théâtre située au Sud du Maroc, au Sahara et traduite en arabe dialectal prochainement jouée par la troupe Tensift de Marrakech.
Il est important de voir l’évolution de cet écrivain et je lui ai demandé pourquoi a-t-il choisi notre ville comme lieu de résidence définitive : « J’avais écrit une partie de mon livre « Zyriab » à Tanger et j’ai beaucoup voyagé au Maroc. Puis après une absence de 14 ans, je suis revenu deux mois à Marrakech, ville que je connaissais le moins. Ça était pour moi le coup de foudre spontané et instantané. J’y réside depuis donc trois ans et je réalise tout mon travail ici ». Il me raconte que ce qui le fascine ce sont les gens, très gentils. A Marrakech, il se métamorphose, il évolue, il écrit, il rencontre des intellectuels… « La vie dans la médina c’est comme un petit village, je connais tout le monde dans la rue, on se salue chaque matin, j’achète des antibiotiques pour l’éboueur, normal, j’invite les voisins chez moi et vice versa, je discute avec l’épicier, il y a de la chaleur humaine, même chez le coiffeur, au pressing et avec le garçon qui vend les cigarettes en détail, merveilleux, Jesus continue de parler en me disant qu’ici il retrouve l’Espagne de son enfance, la campagne pure et non dégradée par une civilisation imbécile. Il avoue que la société marocaine, malgré ses conditions de garde son authenticité et sa vraie nature. Il dit : espérons qu’elle ne va pas se perdre avec le progrès.
Pour lui, la vie à Marrakech est une aventure chaque jour, alors que son monde européen « aseptisé » est ennuyant. En Europe il pense que rien de surprenant ne se passe dans les rues, dans la vie quotidienne. C’est évident que pour lui en tant qu’écrivain, tout ce qui se passe ici le stimule et lui donne envie d’écrire. Par ailleurs, il me déclare « depuis trois ans que je vis à Marrakech, j’ai fait l’effort d’apprendre l’arabe dialectal ». Cela lui ouvre des portes et lui permet de mieux connaître les autres et leur mentalité.
En tant qu’étranger il veut et me dit: « je dois respecter ceux chez qui je vis aussi que leur culture ». Pour lui la langue et la culture sont inséparables. Son souci, me dit-il, c’est que le Maroc puisse évoluer, comme il le fait actuellement, sans tomber dans les mêmes erreurs commises en Europe, cela veut dire sans perdre sa culture profonde : la cuisine, les habits, l’architecture, la langue et les moeurs… Le risque de la mondialisation est grand pour lui, car elle balaye les autres cultures non occidentales. « Pourquoi un Marocain doit-il agir comme un Américain ou un Européen, entendre la même musique, s’habiller de la même façon, ou bien manger un hamburger? Le Maroc et un beau pays et il a le droit de rester lui-même ».
« Pour moi le Maroc est le pays le plus libéral du monde arabo-musulman, c’est extra mais son défi le plus urgent c’est d’essayer, le plus tôt possible d’améliorer les conditions de vie des gens qui en ont besoin. Car le Marocain a besoin de peu et je suis sûr qu’avec votre merveilleux Roi, ça va se passer vite.
Déjà le Maroc entreprend la généralisation de la scolarité, une avance des libertés et droits de l’Homme.
Au Maroc, les gens parlent et sont libres car il vaut mieux une vérité dénoncée que des commentaires chuchotés.
Le peuple marocain grâce à la politique de Sa Majesté est un peuple mûr. C’est un projet important où les autorités des deux pays doivent nous aider. J’ai demandé à Jesus s’il a une histoire à me raconter sur ce qu’il a vécu à Marrakech et il me conte cette histoire surprenante : « Tout le monde connaît que les maisons de la médina sont ouvertes aux oiseaux.
Après un séjour d’un mois en Espagne, il trouve un petit oiseau installé chez lui et particulièrement devant le miroir d’un lavabo où il n’arrêtait pas de se regarder, convaincu que c’était une belle compagne devant lui. Amoureux de sa copine, il avait trop sali le lavabo. Alors j’ai décidé de cacher le miroir. Le petit oiseau se mit à m’insulter tout les matins comme si j’étais responsable d’avoir caché sa copine. Il a cherché partout et il a retrouvé le miroir dans une chambre, la silencieuse copine était là, dans l’obscurité, belle comme toujours ». Et quelqu’un m’a dit : « Ecoute-moi bien, les oiseaux ont été avant toi et ils y seront après toi, c’est comme ça dans la médina ». Alors j’ai compris et j’ai rendu le miroir à sa place.
Désormais, l’oiseau et moi vivant ensemble, sans problème jusqu’au jour où il est vraiment rentré à la maison avec une vraie copine. Ils se sont installés chez moi, chez eux en fait et nous partageons la maison en paix. Voilà ce qu’on appelle un bon ménage. C’est intéressant de voir ce que la vie réserve comme surprises (bonnes), comme leçons à tous les gens qui viennent vivre à Marrakech, ville de découverte et d’inspiration pour toutes ces personnes emballées par la ville ocre.
Jesus Greus m’a déclaré : « Je suis ici et je veux y rester car je sens la vie sans hypocrisie, sans protocole et sans stress ». Alors cher ami, nous ne pouvons te dire qu’une seule chose: bienvenue chez toi à Marrakech.

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