Chroniques

Label marocanité : Ce que Moussaoui veut dire

Moussaoui m’interpelle parce que c’est un Français, enfant de l’immigration. Il fait partie de ces bricoleurs de l’Islam qui se mettent au service des ingénieurs qui les manipulent à distance. Comme certains jeunes issus de l’immigration, il est rentré dans l’Islam de manière entière, totale. Dure et implacable. Il appartient à cette catégorie de jeunes qui ont embrassé, dans ces années de confusion et de doute que sont les années 90, le chemin religieux en embarquant sur la diligence de l’idéologie. Ils en avaient besoin de cette idéologie qui repose sur la vérité indiscutable. Celle qui a des vertus pour soigner la blessure identitaire. Celle qui ne souffre ni le doute ni le scepticisme. Celle qui ne s’encombre nullement des contingences futiles et inutiles et qui favorise les candidats de l’au-delà. Moussaoui est de ces enfants qui ont appris à exécrer la vie et ne veulent pas emprunter la porte de service pour rejoindre le paradis. Non, il veut la porte principale, la cochère, celle qui mène sur les chemins bordés de vierges intactes et délicates.
Moussaoui vous interpelle comme moi parce qu’il est d’origine marocaine. Le Maroc n’a peut-être rien à voir avec son affaire, mais il fait partie de son histoire. Involontairement, il embarque ce pays doux dans le sillage de sa culpabilité. Comme Mohamed Bouyeri, l’assassin du cinéaste Theo Van Gogh, Moussaoui est une pièce à conviction dans le dossier qui peut être instruit contre le Maroc par ceux qui veulent dévoiler sa part d’intégrisme.
Moussaoui les interpelle eux aussi. Eux, ce sont les Américains. Comme tant d’Occidentaux, ils ont construit leur système judiciaire sur la présomption d’innocence. Ils ont eu alors un mal de chien à se dépêtrer de ce cas qui leur a collé, comme un mauvais sparadrap, sur les doigts. Seul inculpé pour le 11 septembre, alors qu’il était déjà en prison au moment des faits, il n’a eu de cesse de s’auto-accuser, de plaider coupable de six chefs d’accusation de complot en vue des attentats. De renier ses avocats et leur stratégie de défense, de narguer le jury, d’injurier les juges. Comme s’il voulait étaler son inaptitude à la compassion. Dire que sa poitrine sèche ne connaît pas la mansuétude. Signifier que sa culpabilité n’est nullement factice, et qu’il se faisait un devoir religieux de l’aggraver. Moussaoui nous interpelle tous. Il nous indique par le menu quelle est la fortune de quelqu’un qui rentre, dans une religion, en empruntant l’arrière-train de celle-ci. On peut s’habiller de l’envers d’une religion comme on met sa djellaba à l’envers. Avec son jusqu’au-boutisme, Moussaoui est sorti de la sphère rationnelle et de la communauté des hommes. Un aliéné aurait pu être justifié. Un fanatique, comme Mehmet Ali Agça qui a tiré sur le pape, aurait pu être compris. Moussaoui n’est ni l’un ni l’autre. C’est un combattant de Dieu qu’il nous rassure de qualifier de schizophrénie paranoïaque. Moussaoui a interpellé le jury afin d’être envoyé le plus vite possible à l’échafaud. Celui-ci a été plus cynique. Il lui a offert un corbillard de luxe. Pour le restant de sa vie.

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