Chroniques

Label marocanité : Culpabilité salubre

© D.R

Le tsunami de l’Océan indien n’a pas simplement provoqué un chaos incalculable. Il est aussi en passe d’engendrer des attitudes humaines inédites. En effet, après la mondialisation de l’économie et son cortège de fractures, après la mondialisation de la terreur avec son chapelet de dates sanguinolentes ; voilà qu’on parle non seulement de la mondialisation du malheur, mais aussi, bien heureusement, d’une forme de mondialisation de la solidarité.
Il ne faut pas s’y tromper. L’essentiel de cette solidarité ne passe pas par les dirigeants européens, japonais ou américains trop rompus au cynisme. Elle est d’abord, dans une forme d’immédiateté impressionnante, l’aboutissement d’un élan de solidarité des peuples. Ce n’est pas un réflexe, diplomatiquement pavlovien, des Etats. C’est une vague, si j’ose dire, tsunamienne des opinions. Tous les observateurs avisés s’accordent sur le caractère inédit de ce sentiment, sa globalisation, son ampleur et son authenticité. Et ce n’est vouloir être cruel que de rappeler que c’est sur la pression, entre autres, de son opinion que l’Administration Bush est revenue sur sa pingrerie, multipliant par dix son aide aux pays sinistrés. Jacques Attali n’a pas hésité à apprécier la déflagration sismique à l’aune du 11 septembre et à comparer la vague destructrice avec les avions-obus.
Au-delà des proportions, le gigantisme des effets d’une opération humaine semble partager avec les effets de la réaction tectonique et naturelle un dénominateur: le témoignage, par médias et NTIC interposés, d’une opinion publique mondiale.
Tous les ingrédients se sont donné rendez-vous pour inciter chimiquement cette solidarité mondiale. Dans un monde en proie à un morcellement identitaire propice aux indifférences, voilà une catastrophe qui, en terme d’espace, se produit dans un des endroits les plus miséreux de la planète mais aussi les plus magnifiques. En terme de temps, elle se déroule entre Noël et Nouvel an, période fortunée en bons sentiments. Enfin, et en terme de victimes, elle a avalé massivement et indistinctement autochtones et vacanciers. Elle a touché, dans ses effets collatéraux, plusieurs nations en même temps. C’est ce qui a inspiré à Michel Serres, le philosophe français, la métaphore du «bateau humain» dans lequel tout l’équipage se sent concerné. Ce ne sont pas simplement les Indonésiens, les Sri Lankais ou les Thaïlandais qui sont suppliciés. C’est toute l’Humanité qui se sent atteinte dans sa fragilité face aux lois de la nature. Ce téléthon planétaire auquel nous assistons, cette surenchère de dons et ce palmarès de largesses doivent avoir comme ressort une forme de culpabilité.
Culpabilité face à l’inégalité absolue: politique, économique et même face à la nature. La tempête monstrueuse de 1999 ou les ouragans de Miami ont-ils jamais suscité la même compassion ? Non, chacun sait que les catastrophes, dans les pays riches, deviennent quasiment des affaires internes, privées. Elles finissent toujours par être domestiquées techniquement, sans quoi, il y a faute humaine. Et donc politique.

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