Chroniques

Label marocanité : deux films, une même indigestion

© D.R

C’est ce qui devrait nous interpeller face au surprenant engouement que charrie le film «des Hommes et des Dieux» qui cartonne en France. Il en est, à ce jour, à plus d’un million trois cent mille spectateurs après 3 semaines d’exploitation. Une moyenne de 68.000 spectateurs par jour.
Filmé à Azrou, dans de magnifiques paysages de cèdres, le film relève de l’épure. Son succès est d’autant plus déroutant qu’il est austère comme un monastère, délicat comme les mains d’un moine. Il traite toutefois d’une tragique affaire. Celle des 7 moines de Tibéhirine qui, en Algérie de 1996, furent enlevés et décapités, semble-t-il, par les féroces islamistes du GIA. Si le conditionnel s’impose, c’est parce qu’une autre thèse ravitaille le doute en suggérant l’implication, dans cette ignominie, des services algériens. Il reste qu’à l’époque le refus des moines, malgré l’insistance des autorités françaises, de quitter leurs ouailles et le territoire algérien malgré une menace patente, a donné à l’épisode une dimension christique et sacrificielle. Une coïncidence peut en dire long sur l’âme obscure d’une nation. La sortie, presque en même temps  du film de Bouchareb, « Hors-la-loi » met en relief un contraste mystérieux. Attendu comme un gros succès, porté par trois stars de la diversité dont deux vedettes françaises d’origine marocaine : Debouzze et Zem, le film ne semble pas, pour l’instant, rencontrer son public.  Comme le premier, il a comme fond du décor les rapports indigestes entre la France et l’Algérie. Hors-la-loi, lui, revient sur les massacres de Sétif. Il a, à la différence du film sur les moines, bénéficié d’un gros battage médiatique. Précédé d’un soupçon sulfureux échafaudé par les rapatriés d’Algérie et autres maghrebophobes qui trustent les partis d’extrême droite française, le film a bénéficié d’une publicité démesurée et gratuite. Celle-ci débutera par une présentation contestée, hors compétition, à Cannes, et jusqu’à sa sortie, connaîtra une actualité ponctuée par des manifestations hostiles. Couvertes par les grands médias et pilotées par quelques députés sarkozystes, ces manifestations houspillaient l’œuvre pour son révisionnisme l’accusant de tripatouillages historiques. Sans compter le buz sur la toile. Pourtant, le jour de sa sortie, le film a trébuché sur un box-office médiocre avec une présence moyenne de 20 personnes par salle de projection. Adhésions massives pour l’un, réticences pour ne pas dire rejet pour l’autre participent des deux facettes d’une même pièce, celle de la lésion mémorielle entre la France et l’Algérie. A méditer.

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