Chroniques

Label marocanité : Foulard and Co

Le manteau, le pantalon et les chaussures de sport, d’homme de surcroit, étaient mis à contribution pour gommer littéralement tout signe de féminitude. De dos, rien, si ce n’est le foulard, ne pouvait laisser penser que la personne qui me précédait était une femme. On était dans une agence Telecom. C’est d’ailleurs ce qui va exciter mon intérêt. Cette silhouette engoncée, par beau temps, dans un tas de chiffon, dénotait dans cet espace qui évoque la modernité et rappelle la mondialisation. A-t-elle à ce point la haine de son corps ou veut-elle le réserver au seul regard intime d’un mari, si elle en a un? Ce foulard est en tous les cas celui de la conviction.
Elle arrive tous les jours, à la même heure. Elle a un très beau visage et l’éclat d’un joli sourire quand celui-ci lui échappe involontairement, ce qui est rare. Elle doit avoir la vingtaine à tout casser. Des yeux d’amandes qui protègent un regard de braise. Elle a cette manie de toujours regarder le sol, consciente probablement d’avoir des yeux qui érotisent l’espace. Son foulard noir et hégémonique a beau lui manger une bonne partie du visage, il ne vient pas à bout de l’ensorcellement qui jaillit naturellement de ses prunelles. Elle ne doit pas avoir beaucoup d’instruction, sinon elle ne ferait pas la femme de ménage pour cette agence intérimaire. Son foulard, à elle, semble s’inscrire dans le registre de la contrainte.
Avec son côté boulette, la robe qu’elle porte sur le pantalon a du mal à camoufler ses rondeurs. Elle a un certain charme, principalement dû à un maquillage soigné et discret. Le genre de soins qui demandent qu’on se réveille une heure plus tôt que les autres. Ses longs ongles sont frappants par le vernis écarlate qui les enduit. Elle semble prendre un soin tout particulier à travailler ses cils et sourcils, raccourcissant par là, allongeant par-ci. Le tout laisse penser que le foulard, rouge et assorti, qu’elle porte s’intègre parfaitement dans cette  entreprise de soin chronophage. Elle travaille dans une agence de com. et son métier est d’abord créatif. Ce foulard a quelque chose de factice s’il n’est pas celui de l’accommodement.
Elle trône sur le guichet d’une agence bancaire d’un quartier populaire. Son âge avancé doit être la principale raison qui la dispose à la négligence. Ce matin là, en tous les cas, elle a dû éviter la salle de bains. Et peu importe qu’elle accueille du public. Elle porte une djellaba et un foulard vert qui laisse échapper quelques  cheveux gris et rebelles. Son visage porte toute la lassitude du monde. Elle exécute machinalement ses opérations et ne prend même plus la peine de sourire aux clients. Ce foulard là a plutôt l’air d’être un cache-misère.
Il y a un tas de foulards. Il y a trop foulards. Et s’ils devaient être le signe de tolérance ou d’intolérance, le pays atteint, en la matière, un seuil critique.

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