Chroniques

Label marocanité : La fabrique des enragés

C’est une pensée beaucoup plus prompte à condamner qu’à analyser. Elle préfère l’adversité, son terrain le plus fertile. Elle n’est pas duale. Elle est affiliée au duel. Elle ne se détermine jamais en fonction des enjeux mais des ennemis à abattre. Or, et au contraire, rien n’est plus antinomique à l’idée même de pensée.
La pensée binaire a son humus. Elle prospère dans le brouillage. Elle se déploie dans le cul de sac idéologique. Et pour cause. La gauche, habituée à forger les concepts et les espérances n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle est devenue techniciste, institutionnelle et terne. Si elle a tardé à faire son aggiormento, c’est parce qu’elle reste confinée dans son passé glorieux sans réactivité ni adaptation. Fatiguée, cette gauche qui voulait une société affranchie du marché, laisse aujourd’hui le marché façonner une société happée par le suivisme planétaire et consumériste. La droite marocaine, si tant est qu’elle existe, ne pense pas du tout. Elle était habituée à avoir le pouvoir avec bail emphytéotique. Elle en est devenue paresseuse. Elle ne peut même prétendre assumer son libéralisme et encore moins le penser. Plus grave encore, il y a l’aphonie des intellectuels. On ne sait pas encore si c’est un mutisme délibéré ou un étiolement de cette catégorie tant nécessaire à une société en quête de sens. A quoi il faut ajouter la faiblesse du syndicalisme qui obère la mobilisation sociale. Il n’est donc pas étonnant de voir surgir la radicalité à Ifni ou ailleurs.
Dans une société sans idéal, on fabrique artificiellement des idoles. On glorifie le premier rebellocrate venu. On en devient une fabrique des enragés. Le diplômé-chômeur devient un totem intouchable. Une amoureuse de Khénifra devient une prisonnière politique. Une fête déguisée, à Ksar el Kébir, se mue en une affaire d’Etat. Le journaliste qui commet une bourde devient un martyr dès qu’il est rappelé à l’ordre par une justice sourde dont la main est lourde … tout est bon pour chauffer les flammes de la radicalité. Le problème, c’est que cela ne touche pas la masse. Le peuple. Ce peuple tant mythifié, lui, vaque à ses occupations et préoccupations, enseveli qu’il est par le fatras de ses soucis quotidiens. De fait, la pensée binaire est d’abord et avant tout une pensée groupusculaire nourrie par une réflexion crépusculaire. A défaut de convaincre le peuple, elle entreprend de persuader le monde avec ses ONG, ses secouristes universels et autres RSF.
Chez des aveugles, il n’est pas étonnant qu’un borgne puisse avoir le leadership. Contemplez comment le congrès du PJD est encensé tant il est évalué à l’aune du désastre de celui de l’USFP. On en tire vite la conclusion que ce parti, qui aspire à nous fourguer une démocrature, est un exemple de démocratie interne…. C’est vrai que la nature a horreur du vide.

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