Chroniques

Label marocanité : La mémoire inflammable

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Jacques Chirac a du boulot avec les siens. Il n’a eu de cesse, ces derniers temps, d’éteindre des incendies. Après la racaille, le karcher et les feux, quasi industriels, des voitures de banlieues, voilà qu’il se voit obligé d’étrangler les feux provoqués par la conception mémorielle (ou volonté d’amnésie) de certains députés de sa propre majorité. En février 2005, lors de la discussion d’une loi concernant les harkis, un article qui loue et vante le «rôle positif» de la colonisation fut glissé par quelques parlementaires, dont le député UMP Lionnel Luca. La loi va être, non seulement, votée par les deux Chambres, mais promulguée. Avec le paraphe du Président de la République, s’il vous plaît !
Dans une société, toute à sa discussion sur l’esclavage avec pour fond sonore un débat sur la surenchère victimaire auquel se livraient de conserve Dieudonné et Finkielkrault, très peu de gens avait alors prêté attention à la loi. Exception faite du Président algérien Aziz Bouteflika qui avait tiré à boulets rouges sur le texte. Il y a quelque chose de remarquable chez les spécimens que peuvent constituer certains parlementaires comme Lionnel Luca, député UMP. Inconnus des bataillons, ils s’agitent au maximum pour accoler leurs noms à une loi ou à un amendement. En faisant, ils veulent légitimement exister. Surtout à l’approche des échéances électorales. Ils le font, quitte à créer des historiettes. Mais cette fois-ci, un clan de négationnistes franchouillards, hantés par l’électorat de Le Pen, ont décidé de s’immiscer, par effraction, dans l’Histoire. Celle qui a le H majuscule. Résultat, ils ont carrément foutu le Président Chirac dans, excusez-moi le terme…la merde.
Pire que cela : Le pays est sens dessus dessous, ce que le président n’a pas manqué de sentir, puisque il a proposé la création d’une commission. Les intellectuels et historiens, d’habitude discrets, s’insurgent contre le mélange du genre. La gauche, sur le tard mais dans une unanimité rare, demande l’abrogation. Sarkozy se voit quasiment interdire un déplacement en Martinique. Bayrou et Giscard, membres de la majorité, voient dans l’abrogation quelque chose «d’inéluctable». Même des ministres du gouvernement souhaitent l’abrogation. La majorité, elle, UMP persiste et signe.
Et le spécimen monsieur Lionnel Luca, dans une élégance qui sied aux seuls vulgaires défend sa position en se fendant de déclarations du style «Ni Léon Bertrand ni Azouz Begag ne seraient ministres de la République française» sans la colonisation. C’est un peu équivoque. Est-ce à dire qu’ils seraient restés de bons sauvages ? Ou encore que «ceux qui aux Antilles font toutes sortes d’amalgames avec l’esclavage ne crachent pas sur le RMI des anciens colonisateurs». Avec ce type de propos, il n’y a pas mieux pour réveiller les indépendantistes. Sans compter la très inélégante réclamation pour qu’Aziz Bouteflika paye son hospitalisation. Plus diplomate, tu meurs.
La mémoire est aussi une matière inflammable. Avec des Luca, Chirac n’a pas besoin d’adversaires. Ses amis lui suffisent.

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